la mémoire est la peur de la mort. Ne plus en avoir, était-ce être mort ?
« sunny & helen »

Marcher, errer. Oublier où l'on va. Oublier d'où l'on vient. Des pas sans réelle conviction, un mouvement répétitif, monotone, automatique. Quelque chose de tout à fait instinctif. Marcher. Offrir à son corps un bienfait. Errer. Attendre que ses jambes décident de la destination. Totalement passif et loin d'être réactif. Était-ce cela oublier ? Réellement oublier ? Ce que tous savaient de la mémoire pourrait donc être faussé, ce n'était pas une chose infaillible qui demeurait parmi les valeurs les plus sûres d'une personne. La mémoire pouvait être modifiée, anéantie … Constat navrant. La vie n'était-elle déjà pas si fragile ? Certainement. Ils en étaient la preuve tous autant qu'ils étaient, marchant, errant. Devait-on vraiment perdre, en plus de la vie, ses repères et son être entier. Tout ce qui nous permettait d'être nous, en fin de compte. A la vie se substituait la mort. A la mémoire, que pouvait-on bien attribuer ? Ce bien si précieux à la source même de notre identité, cette force qui nous permettait d'assurer quelque chose, de léguer notre savoir et de conter nos aventures. La mémoire, ne pas oublier, la force de toujours pardonner un acte sans jamais en oublier la teneur, le courage de se rappeler d'un dangereux passé sans pour autant le revivre. La mémoire, être forcé d'assumer ses actes et ses erreurs. De toutes les personnes de la planète sans doute peu n'ont jamais souhaité de recommencer une nouvelle vie, avoir une nouvelle naissance. Ce qui empêche cette remise à zéro ? La mémoire, les souvenirs. Ils se trouvent constamment rappelés au hasard d'une paroles et d'un acte. Ne plus en avoir, laisser passer le temps. Le temps adoucit, ronge les souvenirs. Il faudrait attendre tant de temps pour que l'horloge des années efface tout passé … il est bien plus simple de claquer des doigts et de remonter l'horloge à l'année zéro de sa vie …

Comment en était-elle arrivée à cette réflexion ? Comment avait-elle rejoint ce trottoir ? Comment s'était-elle retrouvée devant cette porte ? Cela se résumait en quelques mots, peut-être même en un seul : Sunny. Une jeune femme tout feu tout flamme qu'elle avait rencontré, quand déjà ? Il y a peu. Ce n'était pourtant pas l'impression que cela lui faisait. Elle avait entendu parler d'elle bien avant cela, bien avant de la voir en personne et de savoir véritablement ce à quoi ressemblait la demoiselle Jansen. Elle s'était bien faite une idée d'elle, douce, gentille, innocente et peut-être même parfaitement honnête et en presque totalité, cette hypothèse s'avérait exacte, une chose, seulement, faisait de l'ombre au tableau, sa présence, tout simplement, et son silence. Muette, invisible, Sunny avait passé plusieurs années sans donner signe de vie à ce qui apparaissait comme l'homme de sa vie, de son vivant, Riley Thompson. Riley, l'ami et le confident d'Helen. Riley qui avait vécu une lente descente aux enfers lors de la disparition de Sunny, qui s'était donné la mort et qui avait fini par déprimer un peu lorsqu'il n'avait pu la retrouver au Skyline. Cassie Williams avait été un renouveau dans sa vie, une résurrection peut-être, il était plus heureux qu'auparavant et voilà que surgissant du passé, Sunny venait semer la graine de la discorde, le vent des sentiments, le souffle du passé. Se n'était peut-être pas volontaire quoique, Helen avait encore un doute. Se n'était sans doute pas dans un but particulièrement vicieux que Sunny amenait le trouble dans le couple Thompson-Williams. Ce n'était certainement pas du ressort d'Helen de s'occuper de cette affaire, elle aurait du rester impartiale, après tout, malgré le fait que Riley soit son confident, Sunny avait su faire bonne impression à la jeune femme mais curieuse et particulièrement assise sur ses positions, Helen ne pouvait passer à coté de l'occasion de se rendre utile, enfin, elle le croyait. Pour elle, pour que le problème puisse trouver une issue plutôt bonne, il fallait que Sunny retrouve la mémoire. La mémoire … sa réflexion prenait un peu de son sens. Malgré le fait qu'Helen trouve étrange cette perte de mémoire, elle voulait croire Sunny, la jeune femme qui inspirait confiance, elle voulait lui permettre de renouer avec son passé. Elle ne pensait même pas aux retombées, à ce qui pourrait résulter de ce rappel. Elle ne pensait même pas que cette nouvelle vie, mort, constituée par Sunny puisse avoir une valeur équivalente à la vie qu'elle avait passé avant cet horrible événement. Avant que la mort ne s'empare d'elle, qu'elle lui vole son passé et ses souvenirs.

Helen comptait sur son amitié naissante avec la douce Sunny pour la pousser dans ses retranchements, la pousser à se souvenir. Elle pensait cela mieux pour Riley et même pour Sunny. Elle ne voyait là que l'explication qu'il pourrait alors y avoir entre l'ex-couple et, quel qu'en soit l'issu, a la disparition de ce flou qui mettait mal à l'aise Riley comme Cassie, en la présence de Sunny. Peut-être avec plus de recul et de discussions avec son confident, elle aurait compris son erreur et n'aurait pas continué dans cette voie mais elle n'avait pas l'intention d'en discuter avec lui. Elle ne voulait pas l'impliquer dans son action, elle se débrouillerait seule. Le passé méritait de ressurgir, le passé constituait chaque personne, Sunny devait avoir le sien.

Debout, les bras ballants, devant la porte de la nouvelle maison d'édition fondée par Riley, Helen attendait. Malgré sa résolution, elle n'osait pas franchir le seuil et partir en quête de Sunny qui travaillait au sein de l'entreprise. Elle attendit, observant la devanture du Little Hell, attendit que quelque chose se passe. L'heure du thé, peut-être Sunny apparaitrait-elle à ses yeux, peut-être finissait-elle sa journée dans peu de temps ? Elle l'espérait. Elle pourrait alors l'aborder, même si elle doutait encore de la manière de procéder. Elle ne voulait pas avoir à entrer dans le Little Hell. Elle ne voulait pas voir Riley et surtout ne pas avoir à lui expliquer que sa présence n'était pas du à une envie de le voir mais à celle de parler avec son ex-fiancée. Cela lui paraitrait fort malvenu.

Spoiler:

Helen&Sunny
La mémoire est la peur de la mort. Ne plus en avoir, était-ce être mort ?

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Comment procéder, comment avancer ? Comment faire, tout simplement. Helen se trouvait tout à coup bien bête de vouloir entreprendre cela seule, sans même savoir ce qui pourrait éveiller ou non les souvenirs de la douce Sunny. Si seulement elle avait pris plus le temps de la connaître, elle, et non pas l'idée d'elle que la brune se faisait. Les choses pouvaient être bien différentes une fois que la personne perçaient vos barrières et qu'une certaine relation, peut-être même une amitié naissait. Helen aurait pu souhaiter cela, elle trouvait Sunny fort sympathique, compréhensive, intelligente, elles auraient pu s'entendre. Mais, comme le temps de ses pensées le suggérait, tout cela était passé et conditionnel. Pour l'instant, la jeune Jansen ne serait pas plus qu'une amnésique amenant le trouble. Bien sûr, la relation entre elles étaient cordiales, pour le peu qu'elles s'étaient vu et Sun' était vraiment de bonne compagnie mais Helen ne pousserait pas plus loin cette relation. Cela se ferait peut-être tout seule mais elle n'essayerait pas de son propre chef, de les rapprocher et les rendre amie. Si les choses apparaissaient au grand jour, si son stupide plan se révélait à l'esprit de Sunny, elle risquait de tout perdre, de perdre le lien qu'elle aurait mis du temps à façonner. Autant rester distante, dans la mesure du possible. Autant rester professionnelle … Professionnelle, comme si c'était sa profession. Enfin, elle se mettait dans une situation impossible … mais sa décision était prise, elle tenterait coute que coute de faire revenir les souvenirs et la mémoire entière de la jeune femme même si cela ne semblait pas la déranger.

Elle attendait devant cette porte, légèrement crispée. Adopter une attitude normale, adopter une attitude normale … elle ne cessait de penser en ces termes. Pourvu qu'elle ne fasse pas une erreur, une fausse manœuvre ou ne prononce une mauvaise parole … La fin de journée s'annonçait à la fois agréable et horrible. Anticipant le pire comme le meilleur, Helen fixa la porte qui s'ouvrit d'un coup. La boule d'énergie qu'était Sunny Jansen surgit devant elle. Sans doute légèrement fatiguée par sa journée, la jeune femme s'étonna de sa présence en ces lieux. Se saluant mutuellement comme les deux bonnes connaissances qu'elles étaient, Helen chercha une réponse convenable. Sunny entrait directement dans le vif du sujet, elle aurait souhaité éviter cette question. Trouver une réponse, trouver une réponse.

HELEN ▬ Si je te dis que le hasard fait bien les choses, tu me crois ?

Faible tentative d'esquive le temps de trouver quelque chose de convenable et de raisonnable. Trouvé ?

HELEN ▬ Bon, peut-être que je suis ici plus que grâce au hasard. Je pensais qu'après une journée de travail, tu aurais pu souhaiter te détendre et venir partager un petit encas avec la personne qui te fait face. Je suis sûre que tu n'as pas du manger un repas complet à midi, ton patron a tout l'air du gars droit dans ses souliers mais légèrement tyrannique alors bon ... Bien sûr, si tu préférais rentrer chez toi, je comprendrais, on remettra ça !

Un grand sourire, elle tenta de faire avaler ses dires à la jeune femme. Cela semblait réaliste, peut-être même un peu vrai … tout juste déformé. Elle avait seulement omis quelques informations, il n'y avait pas mort d'homme enfin, façon de parler !

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Excuse trouvée, raison acceptée même s'il y avait eu un instant de doute. Un bon point pour le moment. Elle se savait non loin de la bourde mais en même temps, elle ne désirait pas revenir sur ses résolutions. Elle le ferait. Bien sûr, elle profiterait aussi d'un peu de temps en bonne compagnie, avec la jeune Sunny qui était fort agréable. Elle pouvait conjuguer tout cela. Elle espérait que Sun' ne se doute de rien. Il était vrai que, parfois abrupte, la demoiselle Jansen ne devait pas se sentir très appréciée ou très à l'aise. Helen déplorait son manque patience mais, il était vrai que, depuis que la jeune femme lui avoue ne pas se souvenir de sa vie passée, la brune pressait les choses. Les souvenirs allaient bien revenir d'une manière ou d'une autre. Sunny avait passé plusieurs années avec l'esprit vide de mémoire, il était temps que cela cesse. Cela paraissait tellement inconcevable d'oublier sa vie … C'était toujours surprenant et même si Helen savait que la jeune femme ne faisait rien par pure volonté, elle ne pouvait s'empêcher de penser que la demoiselle n'y mettait pas totalement du sien, qu'elle n'avait jamais cherchée à véritablement se souvenir. Prêtant garde à tout mouvement dans « little hell », ne désirant pas croiser son confident ce jour, Helen sourit en comprenant la réponse de Sunny.

HELEN ▬ Alors je t'emmène de force. Hors de question que je sois témoin de ta transformation en paresseux ! « Reaper » ou « devil's tail » ?

Directe, dans le vif. Une bonne pointe de gentillesse et de vitalité, Helen partait déjà hésitante tout de même quant à la direction. Elles n'iraient pas bien loin mais autant laisser le choix à Sunny de décider de la destination.

HELEN ▬ Tu es sûre de ne pas être surmenée ? Non parce que j'ai tendance à dire, malgré ton envie soudaine de jouer les loques amoureuses de mal-bouffe, que tu ne t'épaissis pas beaucoup.

Constatation, exagération. Le tout était d'engager la conversation et surtout de faire remarquer la faiblesse et fatigue apparente de la jeune femme. Humaine tout de même , il était normal qu'Helen s'intéresse à la santé de Sunny. Elle ne désirait tout de même pas que quelque chose lui arrive. Bon, bien sûr, elle était encore loin du manque de nourriture ou de repos qui se fait ressentir mais tout de même. Elle ne semblait pas totalement en forme.

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Elle n'avait sans nul doute jamais été ainsi avec quelqu'un, elle était plutôt de nature gentille habituellement et le mal qu'elle pouvait faire à Sunny en jouant une sorte de double jeu lui effleurait tout juste l'esprit. C'était mal et elle avait la sensation de tomber dans des choses plus mauvaises les unes que les autres. Et à coté de cela, elle sortait enfin du gouffre, de cette semi-dépression qui l'avait prise des mois plus tôt. Vraiment, les choses allaient de travers. Elle changeait oui, mais peut-être pas en bien. Elle ne songeait même pas à réparer ça. Elle ne savait même pas cela, il n'y avait que son inconscient pour le remarquer et s'alarmer. Helen, elle, ne percevait aucun de ces signaux. Bien trop dans son monde et bien trop concentrée sur les pseudo-missions qu'elle s'était incombée. Elle était plutôt pitoyable. Enfin, au moins avait-elle toujours cette faculté de compassion, d'appréciation des autres. Elle était encore humaine. Oubliant ses pensées un instant, elle suivit la fin de réponse de Sunny et haussa un sourcil, vraiment ?

HELEN ▬ Bien, bien. La prochaine fois je te laisserai jouer les paresseuses mais le jour où je t'aperçois la tête à l'envers, ne compte pas sur moi pour te remettre les idées en place.

Jeu de mots, enfin ce que l'on voulait. Tête à l'envers, spécificité de ces gentils unaus communément appelés paresseux. Une référence zoologique et quelques doubles sens qui étaient d'ailleurs sortis de sa bouche avant qu'elle ne puisse les contrôler. Elle continua de marcher, elles avaient maintenant une direction, le devil's tail. Le choix était fait. Ce n'était pas aujourd'hui qu'elle donnerait un petit plus à Cassie. Elle y passerait peut-être plus tard qui sait.

HELEN ▬ Aucun, c'est parti pour le devil's tail. En avant jeune padawan !

Et voilà quelle sortait une bonne vieille référence peu enrichissante cela dit. Padawan, ça lui venait vraiment de loin. Enfin, au moins cela décontractait l'ambiance.

HELEN ▬ Toi une baleine ? Je peux rire ? Il faudrait vraiment que tu passes ta vie vautrée dans ton canapé et encore ... Tu as toujours tenu cette ligne parfaite ou c'est la mort qui te va plutôt bien ?

Tiens donc, et qu'était-ce que cette phrase ? Elle n'était pas encore dans le vif du sujet mais pas très loin. Heureusement, dans son ton ne perçait que la plaisanterie et le peu de sérieux qu'il y a aurait pu avoir était parti avec le vent au moment où Helen lançait un sourire sincère à Sunny. Sincère, sincérité, elle ne l'était pas tellement. Elle omettait de nombreux faits et pourtant, à l'instant, elle avait tout ce que l'on pouvait d'honnêteté. Bien sûr, la brune n'avait pas rebondi sur Riley et avait évité d'y faire trop mention. Moins elle entrerait dans le vif du sujet et plus elle pourrait laisser venir les choses, petit bout par petit bout.

Helen&Sunny
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