It was me and this world and a broken dream

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Si tout va bien ? Abigail écrasa rageusement sa cigarette sur le sol, avant d’entrer dans le bar. Ouais, on ne peut même plus fumer à l’intérieur. Bande d’abrutis. Il lui faudrait … Une fête, à Abi. Une bonne vieille fête, où l’on boit jusqu’au blackout, où l’on frôle l’overdose de drogue, et où on s’éclate. Le genre de fête où tu oublies tout, jusqu’à ton prénom. Le genre de fête où tu ne penses à rien. Tu dance juste, tu bois juste, et tu te drogue juste. C’est tout, rien d’autre. Pas d’Allan pour te dire ce que tu dois faire. Pas de parents adoptifs qui t’interdisent de sortir. Pas de personne. Juste de l’éclate totale.

Sauf que les morts d’ici sont bien trop gentils. Ils ne pensent qu’à savourer leur seconde chance. Pfff. Abi vida son verre d’une traite, et en demande un deuxième. Une deuxième chance. Comme si on voulait se suicider pour avoir une deuxième chance. Comme si on se suicidait pour ne rien oublier de toute sa vie passée. Comme si on voulait vivre à nouveau. La vie à autant de goût que de la cendre. La vie n’est pas intéressante. La vie n’est pas joyeuse. La vie ne vaut pas la peine d’être vécue. La mort non plus. Non.

Qu’est-ce qu’elle s’imaginait, Abigail, en se suicidant ? Qu’elle pourrait enfin goûter à un bon sommeil tranquille ! Le noir total, le néant. Merde ! Et au lieu de ça ? Au lieu de ça, elle se retrouve dans un putain de monde où l’on s’offre tous des fleurs. Le repaire des psychologues. En pire. La jeune femme avala une nouvelle gorgée de Vodka. L’argent. Ça lui manquait, ça aussi. Faire la pute ? Ouais, pourquoi pas. Mais ici, où aller ? Les gens sont devenus comme des bisounours, à vouloir goûter au bonheur, et à vouloir emmener les autres avec eux.

De la drogue. Elle en a trouvé un peu. Pas beaucoup, mais assez pour survivre une semaine. Ouais. Elle en retrouvera, de toute façon. Sinon … Sinon, elle pétera son câble. N’est-ce pas ? Ouais, probablement. Nouvelle gorgée. L’adolescente ferma les paupières. Une larme glissa, silencieuse, solitaire, sur sa joue. Une éclaireuse, pour toutes les autres qui attendent derrière. Une petite larme, balayée d’un revers de la main. Elle est morte, l’éclaireuse.

« Hey … » lança-t-elle soudain.

Abi tourna la tête. C’était une jeune femme. Blonde. Un peu plus vieille qu’elle, probablement. L’ado eu un léger sourire, avant de retourner observer sa boisson. Elle en avala encore un peu, avant de fermer les yeux.

« Alors, ton problème ? Pourquoi t’es pas avec tous les autres, à sautiller au milieu des fleurs ? »

Elle se tourna vers l’inconnue, affrontant sans crainte son regard. Que pouvait-elle bien lui faire, après tout ? Rien. Rien qui ne pourrait la briser encore un peu plus.

« Abigail, au fait. Et toi ? »

Jackie ne se sentait pas trop bien. Elle s'était réveillé comme tous les jours, s'était fait un bol de Coco Pops dans du lait au chocolat comme tous les jours, elle avait tracé des dessins dans le miroir après avoir pris sa douche comme d'habitude et elle avait écouté la même chanson qu'elle avait écouté tous les matins cette semaine-là. Pourtant, quelque chose était différent. Elle avait oublié ce que ça faisait. Ce besoin grandissant, comme un dragon dans son estomac, ce sentiment que sobre, elle n'était rien. Rien du tout. Jackie se sentait insignifiante, aujourd'hui.
Elle avait naïvement cru que si la mort l’avait guérie de son cancer, elle l’avait aussi guérie de sa dépendance. C’est là qu’elle s’était trompée. Ce sentiment ne se laisse pas oublier. Il vous colle à la peau jusqu’à ce que vous mouriez. Enfin, vous voyez ce que je veux dire. Pourtant, Jackie voulait l’oublier. Elle l’avait déjà fait, et ça lui avait pris toute sa volonté, tout son pouvoir. Et elle ne voulait pas retomber. Quand la drogue vous contrôle, la mort est omniprésente. Quand atteindrais-je la dose létale? Quand injecterais-je quelque chose qui me tuera dans mon système?
Bien sûr, là, Jackie était déjà morte. Elle n’avait plus à s’inquiéter de ça. Mais ce n’était pas tout ce que la drogue apportait. Elle entraînait aussi avec elle son lot de souffrance, de misérabilité et de déchirements. Et ça, Jackie ne pourrait pas le supporter. Pas encore une fois. Elle commençait à peine à s’habituer à la nouvelle de sa mort! En fait, plus elle y pensait, plus elle se disait que c’était ça, la cause de son malaise. Non, bien sûr que non! Elle ne désirait pas consommer à nouveau! Elle réalisait simplement enfin qu’elle était morte, au paradis, dans le ciel, six pied sous terre, là-haut, quoi! Les autres semblaient être si heureux de cela… Pourquoi était-elle la seule à souhaiter d’être en bas à nouveau?
Elle ne comprenait pas. Et pourtant, la plupart des morts avaient vécus une bien meilleure vie que Jackie! Soyons franc, la vie de Jackie avait été un simple merdier, un ramassis de malchances et d’évènement merdiques enfilés les uns après les autres, alors que la vie des autres avait franchement été d’un rose très bonbon. Ils étaient morts d’accidents de voitures, victimes d’une balle perdue ou décédés d’un arrêt cardiaque, après avoir vécu une belle vie où ils avaient été en amour, avaient eu un vrai emploi et peut-être même avaient eu des enfants. Peut-être était-ce cela.
Surement que Jackie était jalouse des vivants. Des vivantes, en fait. Elle aurait tout donné pour être vivante à nouveau pour pouvoir avoir un enfant. Elle en aurait pris soin. Elle l’aurait aimé de tout son cœur. Mais la vie, cette chienne de vie en avait décidé autrement. Jackie avait abandonné la drogue pour pouvoir avoir un enfant. Elle désirait profondément avoir son propre fils, sa propre fille… Peu importait. Et puis elle avait essayé désespérément, multipliant les aventures d’un soir, prenant des risques énormes pour avoir son bébé à elle. Elle avait essayé tant et aussi longtemps qu’elle était sobre… jusqu’au diagnostic.
Elle aurait dû s’en douter, pourtant. Jamais elle n’avait été aussi heureuse que les quelques semaines avant que le médecin ne lui annonce qu’elle avait le cancer et devrait aller en chimio. Parce qu’elle était enceinte. Et ces quelques mots… Cette phrase si insignifiante, ces sons formés par les cordes vocales d’un médecin de New York, ils résonnaient toujours dans sa tête.

Je suis désolé, mademoiselle Sullivan. Vous avez le cancer.

Elle avait dû se faire avorter quand la chimio avait commencé. Elle avait pleuré des nuits et des nuits durant, avant de finalement se décider. Sa vie ou celle de cet embryon qui avait fait son nid dans son ventre. Elle a choisi la première, car elle savait que la seconde en dépendait. Elle gardait toutefois espoir de guérir, dans un futur le plus rapproché possible, et de tomber enceinte à nouveau. Et d’enfin pourvoir tenir dans ses bras le fruit de ses entrailles. Peut-être que celui-ci ait un père. Mais bon, on peut être quelqu’un de très bien sans avoir un père.
Donc Jackie en voulait aux vivants, aux morts, à la drogue, à elle-même. Elle en avait assez. On peut se suicider dans le Royaume des Morts? Certainement pas. Sinon, je suis sure que Jackie l’aurait fait. Redevenir vivante, repartir à zéro… Tout ce qu’elle avait toujours souhaité. Mais en aurait-elle le courage? Elle le voulait… Mais elle détestait à penser que Jackie Sullivan serait alors oubliée. Perdue dans le néant. Son nom ne voudrait rien dire pour personne, sauf pour quelques-uns qui à chaque fois qu’ils entendraient son nom, souriraient vaguement en pensant aux moments passés avec elle…
Trop de choses dans sa tête. Les pensées se bousculaient. Comme par réflexe, elle ouvre le frigo pour se prendre une bière. Boire lui fera du bien. Boire lui fait toujours du bien. Mais il n’y a rien. Qu’une pinte de lait, un citron et un reste de spaghetti dans un Tupperware. Il était évident que Jackie n’était pas là pour longtemps. Enfin… Peut-être qu’elle allait être obligée, en fin de compte.
Jackie avait vraiment envie d’une bière. Elle décida de marcher jusqu’au bar de Jayden, son voisin, et de boire un peu. Beaucoup. Raisonnablement. Pas trop, tout de même. Mais assez pour avoir un méchant mal de tête le lendemain. Elle s’habilla un peu, une chemise à carreaux et sa paire de jeans favorite, appliqua une fine couche de maquillage pour cacher ses affreuses cernes, attrapa son éternelle veste en cuir et partit vers le bar.
Ce n’était trop loin, mais Jackie marchait lentement. Elle savourait le fait d’être seule, le seul temps où elle pouvait se faire croire qu’elle était toujours vivante. Elle virevoltait dans le froid, dansant presque. Le vent sur son visage! La dureté du trottoir sous ses pas! Le bruit du silence! Finalement, elle entra dans le bar. L’ambiance était un peu plus familiale que ce qu’elle aurait souhaité… Tant pis. Ça ferait.
Elle alla s’assoir directement au bar, à côté d’une fille aux cheveux brun à l’air un peu déprimé. Peut-être était-elle comme Jackie? Cette dernière enleva son manteau. Elle se commanda une bière et la décapsula avec bonheur avant d’en boire une longue gorgée. Alors, sa voisine parla.

- Hey… Alors, ton problème? Pourquoi t’es pas avec tous les autres, à sautiller au milieu des fleurs? Abigail, au fait. Et toi?

Jackie la dévisagea. Elle semblait plus jeune qu’elle de plusieurs années. L’air revêche, surement une rebelle, sans aucun doute trop jeune pour être dans ce bar, mais bon, c’est pas comme si Jackie allait l’empêcher d’y aller. Le genre de gens que Jackie pourrait fréquenter.

- ‘Suis morte. J’ai pas envie de sautiller. Et moi c’est Jackie.

Avait-elle fait le bon choix en lui parlant? Parfois, ces enfants peuvent être collants à en devenir énervants. Et elle n’avait vraiment pas besoin qu’une jeune fille en pleine crise existentielle vienne troubler le peu de paix intérieure qu’il lui restait. Ce soir, c’était elle et la bouteille. Comme au bon vieux temps. Il lui restait à décider si Abigail était invitée à ce tête à tête possiblement lourd de conséquences.

[HJ: Je vais essayer de faire mieux pour les temps la prochaine fois... De toute façon, je n'en aurais pas aussi long que ça à dire. ]

It was me and this world and a broken dream

La jeune femme la dévisageait. Quoi ? Elle lui lança qu’elle était morte, qu’elle n’avait pas envie de sautiller. Abigail eu un sourire sans joie. Ouais. La demoiselle s’appelait Jackie. Bizarre, comme nom. Ou pas. Bref, on s’en fout, de toute façon.

« T’as raison. »

Abi avala une longue gorgée de Vodka. C’était agréable, cette sensation de brûlure. Une petite sensation de chaleur, dans ce corps glacé. De toute façon, elle est brûlée, Abigail. Complètement consumée. Autant foutre le feu aux cendres. On pourra peut-être les réchauffer. Non ? Il suffit juste d’y glisser un morceau de papier, et d’y mettre le feu. Quelque chose d’éphémère, certes. Tout est éphémère. Absolument tout. Autant en profiter.

« J’comprends pas ce qu’ils trouvent de drôle à avoir une nouvelle vie. Comme si on avait demandé ça. Même mort, tu ne peux pas bouffer les pissenlits en paix. »

Elle soupira. Le monde était vraiment mal foutu. Jusqu’au bout. Abigail regarda un instant la jeune femme. Elle n’avait pas l’air heureuse, elle aussi. Mignonne, ouais. Mais triste. Mmmh … Peut-être qu’elle serait un peu plus intéressante que tous les autres. Un peu plus … compréhensive. Parce que les gens ne comprennent pas qu’on n’avait pas tous envie de recommencer une vie. Bande de cons.

« Comment t’es morte, au fait ? Pourquoi tu n’as pas envie d’aller profiter de ta « deuxième chance ? »

Elle eut, à nouveau, un sourire, avant d’avaler une gorgée de sa boisson. Tout dépendait de sa réponse. Ou pas. Peut-être que la question était mauvaise. Indiscrète. Mais bon ! Au pire, elle ne dit rien, la petite Jackie. On ne va pas la bouffer pour ça. Ahah.

En tout cas, elle semblait, elle aussi, vouloir passer sa soirée avec sa bouteille. Ouais. Rien de mieux que boire, boire et boire encore, jusqu’à ne plus pouvoir aligner deux pas. Jusqu’à ce que ta tête s’effondre sur la table. Et le lendemain, tu te réveilles, avec un mal de crâne pas possible, tu supportes à peine la lumière du jour, et tu te souviens plus de rien. Tu recommences tes journées pourries. Pourtant, pendant dix minutes, tu te sentais bien, t’oubliais un peu ta vie de merde. Mais ça ne dure jamais. Faut pas. Sinon, les autres ne peuvent pas se marrer. Non ?

C’est pas grave ! Et je suis désolé, c’est un peu court, ce que j’ai écrit.

Avant de répondre, délibérément, pour indiquer qu'elle n'avait pas trop envie de bavarder ce soir en particulier, Jackie cala sa bière. Pas qu'elle ne trouvait pas qu'Abigail avait l'air d'une personne qu'elle ne serait pas intéressée à fréquenter d'ordinaire, mais c'était que le moment était vraiment mal choisi. Et peut-être... Peut-être qu'Abigail avait de la drogue sur elle? Que ferait Jackie si la jeune fille lui proposait une ligne? Accepterait-elle? Ou serait-elle assez forte pour tourner les talons et retourner chez elle? Jackie avait bien peur que non. Elle était faible, et c'était ce qui l'inquiètait. Venir ici avait été une mauvaise idée. Non. Calme toi. Ça va aller. Pourquoi elle aurait de la drogue, la jeune? Comment s'en serait-elle procurée ici? Tout semblait si parfait, si net, si clean ici... C'était comme le paradis. Sauf que peu importe les fautes commises durant ta vie, tu te retrouvais ici pareil. Jackie reposa sa bouteille et se tourna vers le barman.

- Une autre, ami.

Elle se tourna vers la jeune Abigail, qui l'observait toujours, et se saisit de sa toute nouvelle bouteille de bière que le barman lui tendait, la décapsulant, avant de considérer le fait qu'Abigail attendait une réponse de sa part.

- Je suis morte du cancer. Et la vie a toujours été nulle pour moi, je vois aucunement pourquoi elle serait meilleure maintenant que je suis morte. Surtout qu'il est impossible d'avoir des enfants ici... Alors, vraiment, la vie est nulle pour les décédés.

Un peu personnel, tu trouve pas, Jackie? Elle prit une gorgée de sa bière et sourit. Oui, elle dévoilait facilement ses émotions réelles aux autres, même après seulement une bouteille. Tant pis. C'est pas ça qui la tuerait ce soir. Bien qu'elle ne puisse pas mourir...

- Et toi? T'es morte comment? Ça dérange pas que je demande?

Un autre défaut qu'elle avait. Trop curieuse. Beaucoup trop.

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