Mark respirait les effluves de sa soirée plus qu'arrosée. La pièce de vie de son appartement était enfumée par les relents d'alcool, de marijuana et de tabac et Mark adorait cela. C'était son mode de vie et il ne regrettait pas ce qu'il faisait de sa vie. Il avait tiré un trait sur ses liens de sang pour se concentrer sur les seules choses qui comptaient: la débauche, l'argent et l'odeur de tabac dans l'air.
Il se leva de son lit en jetant un œil à sa conquête du soir, une certaine Jasmin si ses souvenirs étaient bons. Il passa par la salle de bain pour observer son reflet douteux dans le miroir. Les traits tirés, la fatigue avait fait son chemin ces jours-ci. Il avait beaucoup abusé, c'était un fait indéniable. Puis, il entendit que quelqu'un tambourinait à la porte d'entrée. Il enfila quelques vêtements qui trainaient dans la salle de bain avant de se diriger vers l'entrée. Les yeux encore dans le vague, il ouvrit et fit face au visage haineux de sa mère. Encore hier, il était en train d'observer ses chers géniteurs et voilà qu'il était démasqué.

Puis, les évènements se déroulèrent très vite. Pris dans la brume, Mark n'eut pas le temps de voir que sa mère était armée. "Sale petite ordure, tu pensais t'en sortir comme ça, petit bâtard!". Et ce fut la dernière chose que ses oreilles entendirent. Jackson sentit sa chair s'ouvrir et la douleur envahir ses artères. Il fixa un dernier regard sur le poignard puis sur sa mère avant de s'effondrer.

Il ouvrit les yeux et se retrouvait dans un endroit vide. Aucune couleur, aucun meuble, une allée à l'infini et quelqu'un qui se dirigeait vers lui, d'un pas assuré. Il semblait jeune et en pleine force de l'âge. Mark plissa les yeux puis se concentra sur sa personne, il était toujours vêtu des vêtements qu'il avait trouvé pèle mêle dans sa salle de bain, une unique tache de sang l'ornait désormais. Puis, lorsqu'il releva les yeux, l'homme se trouvait face à lui, les bras croisés, un sourire aux lèvres. Mark ne comprenait absolument rien à ce qui lui arrivait et lorsqu'il ne comprenait pas, il était profondément irrité.

T'es qui toi? Figure toi que ta blague est pas drôle, ramène moi dans mon appartement et fissa, vieux!

Oiseaux crépusculaires ; pépiements nocturnes, alors que ses chaussures foulaient le sol moelleux et humide de l'allée menant à l'immeuble, situé sur Cloud Street. Un filet d'air frais lui caressa le visage. Bise glacée et doucereuse, qui le força à remonter le col de sa veste. Drôle d'idée de sortir à une heure aussi avancée de la nuit. Les morts n'attendent pas, comme le stipulait noir sur blanc son contrat. En parlant d'attendre, cette nouvelle âme n'aurait pas pu faire son grand plongeon quelques heures plus tard, à une heure décente par exemple ? Non, il avait fallu que cet homme ou cette femme passe l'arme à gauche, en pleine nuit, alors qu'il était paisiblement dans les bras de Morphée. Jamais le Canadien n'avait autant maudit sa tablette que lorsque cette dernière avait sonnée, pour signaler un nouveau cas. Les yeux encore tout bouffis de sommeil, Riley bougonnait dans sa barbe, tandis qu'il marchait en direction du tunnel. Seule la lumière des réverbères accompagnait ses pas, tout était silencieux ; la plupart des habitants du Skyline devaient être endormis à poings fermés. Veinards.

Lutter et se faire violence pour ne pas faire demi-tour, ne pas prendre le risque de se faire voler ce cas, se hâter avant qu'il ne soit trop tard. Riley ne pouvait pas se permettre de laisser filer entre ses doigts la moindre âme, ce job était pour ainsi dire son unique gagne pain, depuis qu'il n'arrivait plus à écrire une seule ligne et donc à vivre de ses romans. Foutue panne d'inspiration, voilà où cela le menait, à se geler les fesses en pleine nuit, tout ça pour gagner des clopinettes. Pour la peine, il se serrait bien donné des coups de pied dans le derrière pour faire revenir l'inspiration. Malheureusement cela ne semblait pas être la recette miracle. En attendant de trouver une solution décente à cette panne et bien il continuerait à exercer en tant que faucheur. Cela n'était pas si déplaisant que ça dans le fond. Penser aux aspects positifs de cet emploi, tout en continuant à marcher, bonne idée !

Assez rapidement et ce malgré son envie fulgurante de s'arrêter en route pour dormir n'importe où, il arriva sur son « lieu de travail ». Lâchant un bâillement sonore, il franchit le tunnel. Arrivé presque à l'autre bout de ce dernier, il tomba nez à nez avec l'âme qu'il devait faucher. Apparemment le réveil de cet homme n'avait pas dû être plus sympathique que le sien, comme pouvait en témoigner la tâche rougeâtre bariolant son T-shirt. Envolée cette envie de jouer au rabat joie grognon. Sans vraiment savoir pourquoi, un sourire vint étirer ses traits ensommeillés. Croisant les bras, Riley attendit une réaction quelconque de la part de celui qui lui faisait face. L'espace d'un instant, l'écrivain tenta de deviner quelle pourrait être cette dernière. Positive, négative ? Allait-il se faire insulter, frapper ou bien la personne allait-elle prendre ses jambes à son cou en hurlant comme un beau diable ? Avant même qu'il ne puisse répondre à sa propre interrogation, le jeune homme pris la parole. Peut-être qu'il était bien parti pour se faire frapper à en juger par le ton dur et sans appel de son interlocuteur. Riley n'était pas franchement d'humeur à supporter un pleurnichard violent. « Figures-toi que ta blague n'est pas franchement plus drôle. J'étais en train de dormir quand on m'a appelé... pour m'occuper de ton cas. Quelle idée de mourir à cette heure-ci... Bref. Ce serait avec grand plaisir que j'aimerais te ramener dans ton appartement, malheureusement je crois qu'on va avoir un léger soucis. Il semblerait que tu ne sois plus en mesure de retourner chez « les vivants », du moins pour le moment. Tu es mort et je suis là pour t'amener de l'autre côté du miroir. Enfin tu es mort, mais rassures-toi tout n'est pas pour autant fini, comme tu pourras bientôt le constater par toi-même. Au fait moi c'est Riley ! ». Pour lui prouver qu'il n'était pas en train de rêver – ou de cauchemarder plutôt – le Canadien lui tendit la main.

Qui était ce type? Qu'est ce qu'il fichait dans ce maudit tunnel à quatre heures du matin? Il fallait croire qu'il ne comprenait pas les effets de cette drogue qu'il avait pourtant ingurgité des centaines de fois sans souci.
En attendant, l'homme en face de lui lui prenait la tête avec des détails. Il était mort. Apparemment, il n'était pas le seul à fumer des substances illicites. A en juger par le regard assuré de son interlocuteur, il y croyait dur comme fer. A ce moment, Mark se jura de tenter de calmer les doses la prochaine fois, il devait être à la limite de l'overdose pour halluciner de la sorte.
Il réfléchissait, le regard toujours planté dans celui de l'inconnu. Des souvenirs flous firent leur apparition. Il était dans la salle de bain. La porte sonnait. Qui venait l'emmerder au milieu de la nuit? Sa mère. Un poignard. Trou noir. Voir l'immense tâche rougeâtre sur son tee shirt le fit douter. Et si cet homme lui disait la vérité?
Impossible. Mark se mit à rire tout en croisant les bras. Certaines personnes avaient de l'humour, même dans des cauchemars. En attendant, l'homme commençait à perdre patience, ce Riley devait soi disant l'accompagner de l'autre côté du miroir. Wellington avait peut être abusé ce soir mais il n'était pas idiot: son lit l'attendait plutôt que le miroir ou on ne sait quoi.
Il regarda une nouvelle fois sa tenue puis Riley et lui répondit.

Mort? Moi? Non mais t'es malade mec! Je m'amusais comme un fou et voilà que je me retrouve là à t'écouter déblatéré que je ne peux pas rentrer chez moi! Qu'est ce que c'est que cette histoire à dormir debout?

La lumière à l'intérieur du tunnel lui faisait mal aux yeux, alors qu'il était à peine réveillé. Clarté éblouissante qu'il n'avait jamais remarqué – ou pu observer – jusqu'à présent. Qu'on ne l'y reprenne plus à répondre à une demande en plein milieu de la nuit. Du revers de la main il se frotta les yeux, alors que son interlocuteur lui répondait. Ce dernier était visiblement sur le derrière et ne comprenait pas ce qui venait de lui arriver. Ce jeune homme avait sans doute la nette impression de flotter en plein délire psychédélique, malheureusement ce n'était pas le cas. Impression souvent éprouvée par les nouvelles âmes. Plus ou moins facile alors de leur faire entendre raison et de leur faire comprendre leur nouvelle situation. Mais là, il semblerait que Riley soit tombé sur un os. Une histoire à dormir debout, c'était tout à fait ça lorsqu'on l'entendait pour la toute première fois. Drôle de sensation d'avoir fait une overdose de cachets à base de codéine. Le faucheur leva les yeux au ciel, il avait l'habitude de tomber sur des personnes un peu récalcitrantes – plus d'une fois il s'était retrouvé à devoir calmer des hystériques, courir après des fous, parer les coups d'enragés – mais cette fois-ci il n'était clairement pas d'humeur à affronter ce genre de situation, peu importe la nature de cette dernière.

« Oui... tu es mort, tu as bien entendu. Je sais que c'est un peu difficile à croire, pourtant c'est la stricte vérité. Il désigna alors le T-shirt de son interlocuteur. Regarde un peu ton accoutrement. Si ça peut t'aider à comprendre et surtout à réaliser, je veux bien te conduire chez toi, afin que tu vois ce qu'il t'es arrivé... enfin ça risque de ne pas être très beau à voir ! »

Règle d'or, ne pas laisser une âme en compagnie de son cadavre, mais tant pis, pour une fois il pourrait bien faire une petite entorse à la règle. Le Canadien indiqua à Mark qu'il devait le suivre. Fourrant ses mains dans ses poches il partit en direction de la sortie du tunnel. Un regard à son accompagnateur de fortune. « C'était quoi ton adresse ? Je te préviens, quoi qu'il ait pu se passer sur place, t'as intérêt à te tenir à carreau et surtout tu restes près de moi, tu ne te tires pas en courant et en hurlant comme une fillette, c'est bien clair ? ». Bon d'accord, ce n'était pas l'approche la plus sympathique du monde, mais Riley sentait qu'il devait lui parler sur un ton un peu bourru pour se faire entendre. Enfin c'était peut-être tout simplement une déformation de sa part. Un risque à prendre après tout. Peut-être qu'il allait se retrouver la tête par terre d'ici peu... Tant pis.

Mark ne voulait pas croire un traître mot de ce que lui disait cet énergumène apparemment pas réveillé. A croire qu'il n'était pas le seul à user de substances illicites en pleine semaine. Quoiqu'il en soit, Mark lui fit les yeux ronds alors que ce Riley déblatérait sur le fait que la vie avait quitté son corps, qu'il n'avait qu'à regarder l'état de sa tenue pour le deviner. Concrètement, il le prenait pour un débile profond qui était complètement dégénéré. Riley lui proposa une visite chez lui, ce n'était pas trop tôt. Cela faisait dix minutes que Mark lui demandait de le ramener chez lui, il avait enfin fini par comprendre son point de vue. Il était dur d'oreille celui là, Wellington afficha un sourire victorieux, il allait enfin pouvoir se recoucher sans que quelqu'un ne vienne l'importuner avant midi sonné.

Enfin! C'est ce que je te demande depuis dix minutes mon vieux! J'aimerais bien pouvoir enfin me changer et dormir si tu vois ce que je veux dire.

Riley ne réagit que très peu à ces propos. Mais qu'est ce que c'était que ce délire? C'était vraiment la dernière fois que Mark faisait des folies, enfin, il avait beau le dire, la volonté n'était pas son point fort.
Son interlocuteur lui parla alors d'un ton plus ferme, l'incitant à rester près de lui. C'était sa mère ou quoi? Mark le regarda d'un air incrédule une nouvelle fois. En plus, il n'avait pas retenu son adresse. Il l'embraquait dans le monde des bisounours et n'était pas capable de le ramener chez lui, c'était le comble. Mais bon, Mark hocha la tête avec un regard moqueur.

1325, Sam Street, Denver. Bon, je compte pas rester dans les égouts alors on y va. Pour ce qui est de tes recommandations, c'est compris, maman.

A vrai dire, il ne comprenait toujours rien. Mort? Mais n'importe quoi! Il était invincible, après tout ce que ses parents lui avaient fait, il était encore en vie, ce n'était pas un tee shirt ensanglanté qui allait le convaincre...

L'air dubitatif tout comme le ton employé par ce jeune homme à l'air un peu rustre terminèrent d'achever le peu de bonne humeur, qui restait encore au faucheur. Forte envie de réduire sa sale petite gueule en bouillie. L'écrivain ne releva pas la suite des paroles de cet étrange personnage, qui n'avait l'air de croire uniquement en ce qu'il pouvait voir. Soit, il voulait y croire et bien il allait lui en donner des images. Ce type allait être servit, et bien comme il faut. Qu'il ne vienne pas pleurer par la suite. D'ailleurs, ils devaient accélérer un peu le mouvement, il ne leur restait plus que quelques minutes avant que le cadavre de Mark ne disparaisse. D'un geste fébrile il tata sa poche intérieur de blazer. La seringue était là, au cas où. Pour conserver un cadavre cette petite invention était toujours très utile. Après avoir noté l'adresse de cette âme et sans vraiment faire attention à ses paroles Riley se mit en marche, les mains dans les poches. Se dêpecher pour trouver sur place le cadavre de Mark. En l'absence de celui-ci, le faucheur ne savait pas comment il s'y prendrait pour lui faire croire à son histoire. Vaincre cet air dubitatif ne serait certainement pas aussi simple que ça. D'un pas rapide, il traversa le tunnel blanc – ce bon vieux tunnel maintenant rassurant – Mark sur les talons. Assez rapidement, ils se retrouvèrent de l'autre côté du miroir, dans le monde des vivants. La fraîcheur nocturne lui sauta au visage. Un frisson lui parcouru l'échine. Il marcha en direction de l'adresse indiquée. Arrivé devant une bâtisse, Riley se tourna vers l'âme. « C'est bien ici ? ». Il attendit qu'il se décide à répondre avant de reprendre la parole. « Je te suis ! Prépare toi à avoir un sacré choc par contre. ». Une épreuve assez étrange attendait là le jeune homme. Être confronté à la vision de son propre corps sans vie, expérience un peu traumatisante. Ce souvenir arracha une grimace au Canadien, tandis qu'il s'engouffrait à la suite de Mark à l'intérieur de l'immeuble. La porte d'entrée se referma dans un claquement sinistre sur eux.

A croire que ce Riley faisait exprès pour qu'il perde patience. Il allait très lentement comme si rien ne l'attendait après ce petit rendez vous imprévu. Mais Mark avait des choses à faire lui. Il avait un trafic de drogues à faire fonctionner, des rendez vous toutes les heures et une envie monstrueuse d'aller se recoucher.
Son interlocuteur se mit en marche d'un coup et se dirigea lentement vers le bout du tunnel, Mark le suivit peu sûr de lui. Mais il aimait l'action plutôt que de parler alors cela lui convenait. Il ne comprenait toujours pas ce qu'il fichait dans ce tunnel mais cela, il le comprendrait lorsqu'il serait parfaitement éveillé.
En un clignement d'oeil, les hommes se retrouvèrent dans la rue où Mark avait trouvé refuge quelques semaines plus tôt. Il avait pu enquêter tranquillement sur ses parents sans se faire remarquer dans cette petite banlieue de Denver. D'un hochement de tête, il confirma à Riley qu'ils étaient bien arrivés à destination. Mark s'avança lentement jusqu'à l'immeuble, concentré sur le mystère de sa présence ici. Il écouta les recommandations de Thompson puis se remit en marche.
Arrivé sur la palier, il se rendit compte que sa porte était légèrement ouverte, comme si on avait quitté les lieux précipitamment. Ce qui était le cas puisqu'il s'était retrouvé dans ce tunnel en un rien de temps. Il entrouvrit et s'aperçut lui même, gisant sur le carrelage, une tâche de sang recouvrant une bonne partie de la salle. Mark hallucinait. Qu'est ce que c'était que ce cirque?

Putain mec, c'est quoi ce délire?! Pourquoi je suis là et en même temps en train de pisser le sang sur ma moquette?! Je suis dans une caméra cachée ou quoi?

La mort est parfois sordide – rectification la mort est toujours sordide – on l'imagine comme quelque chose de beau, on espère toujours que cela soit sans douleur et rapide pour ses proches, mais la plupart du temps cela ne se passe pas comme ça. La mort vient vous cueillir alors que vous ne vous y attendiez pas, cela apparaît alors comme injuste, horrible autant de mots pour qualifier la fin du chemin. D'ailleurs, ce n'est certainement pas Mark qui le contredirait à cette seconde-ci. La porte de ce qui était à présent son ancien logement était restée entrouverte, suite au départ précipité de quelqu'un – Riley ne pouvait pas encore savoir de qui il pouvait bien s'agir à cet instant – n'indiquait rien de bon. En effet, il existe des morts plus propre que celle de ce M. Wellington. Talonnant Mark, le faucheur pût bientôt apercevoir la large flaque d'hémoglobine parsemant la pièce et l'enveloppe corporelle de l'âme qu'il devait faucher gisant à même le sol. Spectacle qu'il aurait voulu épargner au jeune homme, mais ce dernier ne lui avait guère laissé le choix. Venait-il de faire une sérieuse entorse au règlement ? Probablement. Risquait-il les ennuis ? Certainement. Mais y avait-il d'autres solutions pour faire rentrer l'information de la mort de Mark dans sa satanée caboche ? Absolument pas. Une sorte de « légitime défense » ni plus ni moins. Montrer à St Thomas pour qu'il puisse croire, voilà tout. Un délire... Riley l'avait pourtant bien prévenu, Mark ne pouvait s'en prendre qu'à lui-même à présent. Presque une envie de dire, « je t'avais prévenu », mais le Canadien se retint, cela aurait sûrement été plus que déplacé en pareille circonstance. Il se planta devant lui, en essayant ainsi de cacher l'horrible vision qui s'offrait aux yeux ébahis du brun. « Je te l'ai dis, tu es mort, tu ne voulais pas me croire... qu'est-ce qu'il te faut de plus maintenant ? Malheureusement pour toi, ce n'est pas une caméra cachée. Ton corps ne devrait pas tarder à disparaître... On ferait mieux d'y aller, je vais te montrer ta nouvelle demeure. Ce n'est pas très conseillé en temps normal, de rester en compagnie de son propre cadavre.  Je pense que tu vois ce que je veux dire à présent. ». Le faucheur posa une main sur l'épaule du jeune homme et lui montra la sortie de l'appartement. « On va retourner dans le tunnel si tu n'y vois pas d'inconvénients, j'ai deux trois choses à t'expliquer maintenant ! Ca va aller ? », demanda-t-il inquiet.

Mark restait là ébahi devant la représentation de lui même dans un état vraiment médiocre. Comment aurait-il pu imaginer qu'il finirait planter comme un vulgaire bout de viande sur un cure dent? Et, petit à petit, les visions prirent possession de son esprit. Sa conquête (souvenir plutôt plaisant celui là, la porte, son reflet dans le miroir de la salle de bains puis sa mère. Poignard. Douleur. Réalité. Mort. Sa propre chair avait mis fin à ses jours de la manière la plus fourbe qu'il soit. Sans crier gare, sans laisser d'indices, elle avait jailli le regard haineux sans aucun remords face à l'acte accompli.
Mark ne bougeait pas d'un cil, se contentant d'être là au milieu de la pièce à côté de ses restes, le sang envahissant la moitié de son appartement. Il n'était pas choqué ni triste, seulement désappointé. Sa vie partait en fumée sous ses yeux pour une simple erreur de jeunesse. Peut être que tabasser son minable de père sous le coup de la colère avait été une grossière erreur et il avait fallu qu'il meure pour le réaliser. Maintenant c'était trop tard. Il laissait son réseau, sa gloire, ses addictions derrière lui prêt à côtoyer le vide de l'au delà.

Riley vint se poser au centre de sa vision alors que Mark ne le regardait toujours pas, concentré sur ce qu'il laissait derrière lui et tous ses regrets, les yeux embués par la douleur vive laissés par ses cicatrices encore tenaces sur tout son corps. Il était blessé, détruit sans espoir de retrouver la partie vide de lui même. Il écouta distraitement ce que le faucheur avait à lui dire: oui il était mort, il avait transgressé les règles et blah blah blah.. Wellington n'étais pas très intéressé, il retint seulement qu'ils devaient partir. Absolument. Mark ne se détourna pas tant que son corps restait dans son champ de vision. Sans réaliser, les yeux dans le vague, ils étaient de retour dans le tunnel. Mark ouvra les yeux pour apercevoir de nouveau Riley lui demanda des nouvelles sur son état mental.

Bien sûr que je me porte à merveille! Je me suis fait poignarder par ma génitrice! C'est le pied!

Un sourire aux lèvres pour se remettre de ses émotions plutôt douloureuses...

La pauvre âme semblait être en état de choc. Qui ne le serait pas après tout, devant son propre cadavre criblé de balles, une flaque de sang s'échappant de la plaie ? Ce n'est pas le faucheur qui l'en blâmerait. Et puis il était aussi vrai qu'il y avait des morts un peu moins difficiles à regarder. Alors qu'il plongeait son regard azur dans celui de Mark, juste avant qu'ils ne rejoignent à nouveau le tunnel, Riley en vint à se demander de quelle façon il avait pu se retrouver là, étendu sur le carreau et le T-shirt bariolé de sang. Tout un tas d'hypothèses dansèrent alors dans son esprit, aucun n'était sans doute juste. Mieux valait ne pas se fier aux apparences. Cette mort non naturelle l'intriguait au plus haut point, tandis qu'il marchait d'un bon pas à l'intérieur du tunnel. Un regard à cet homme plus qu'étrange qui semblait posséder un sens de l'humour un peu particulier et le faucheur pénétra à l'intérieur du bureau du Skyline, passage obligé pour toute nouvelle âme en ce bas-monde. Pour une fois, le bureau n'était pas en désordre, aucune tornade ne semblait être passée par là, tant mieux, il n'aurait pas à chercher durant des heures les fameux papiers. Tout était en ordre, parfaitement aligné sur le bureau en bois clair. Il s'approcha de ce dernier et s'empara des feuilles dont il avait besoin. « Tiens, tu pourrais remplir ça s'il te plais ? Ca ne te prendras que quelques minutes, c'est le passage obligé pour pouvoir rejoindre le Skyline. Même ici il y a de la paperasse... un comble ! ». Riley attendit patiemment que Mark s'empare du formulaire, puis repris la parole tout en se dirigeant vers la machine à café. « Un café ? Demanda-t-il gentiment avant de passer aux choses sérieuses. Comme tu l'auras compris, tu n'es plus vraiment vivant, enfin si, du moins ici, sauf que tu ne peux plus vivre ta vie comme avant. Je m'explique on va arriver dans un nouveau monde, appelé le Skyline, la-bas tu pourras recommencer ta vie de zéro, mais dans cette vie là, il n'y aura pas ta famille, tes amis ou bien ta petite amie, sauf s'ils sont morts bien entendu. En fait la vie continue, c'est une sorte de seconde chance si tu préfères... Si le cœur t'en dis et lorsque tu seras prêt tu pourras tout de même retourner chez les « vivants », pour voir ceux qui te sont chers, bon petit problème, tu ne pourras pas leur parler et ils ne te verront pas, mais toi tu les verras, c'est toujours mieux que rien si on peut dire. Il marqua un temps d'arrêt avant de reprendre. Autrement, il te faudra trouver un emploi et puis un logement comme dans ton ancienne vie, ça ça ne change pas, rien n'est gratuit même ici bas. ». Le Canadien s'interrompit à nouveau pour laisser le temps à Mark d'ingérer les informations qu'il venait de lui délivrer. « Si tu as des questions, n'hésite pas, je suis là pour t'aiguiller ! »

La réalité le frappait en pleine poire. Il ne s'était jamais imaginé finir ainsi: une overdose peut être, dans un moment d'extase intense mais pas assassiner. Qui plus est par son propre sang. La douleur de la trahison le prit en pleine poitrine, il avait tellement mal et l'envie de vomir le prenait mais il se retint. Il se contenta de suivre Riley, en silence cette fois. Il n'avait plus beaucoup de mots pour décrire ce qu'il ressentait, c'était la pire chose qui lui soit arrivée. Ce mal être si intense qui l'empêchait de respirer, il était mort et malheureusement pas enterré. Tué un soir d'intense plaisir, tué au sommet de sa gloire, en ayant l'impression de n'avoir rien vécu, obligé d'être le larbin de ses parents toute sa misérable vie.
Et maintenant, il atterrissait dans un bureau alors que Riley se mettait face à lui, lui disant qu'il y avait quelques problèmes administratifs à gérer avant de continuer. Mark prit la feuille qu'il lui tendit et commença à remplir les cases d'un air distrait alors que Riley lui proposait un café, Mark acceptait d'un hochement de tête.

Merci, vieux.

Sa voix tremblait, il murmurait presque, Wellington était abattu littéralement. Puis, Thompson lui expliqua la suite de son chemin, Mark releva la tête en silence, buvant ses paroles. Il tentait de conserver sa concentration sur le faucheur pour ne pas avoir des envies de meurtre contre le monde entier. Les règles semblaient simples, surtout pour lui qui n'avait personne à regretter. Alors, la larme à l'oeil, il répondit à Riley.

Je me ferais très bien ici, plus rien ne m'attend sur Terre. On peut dire que le Skyline s’annonce joyeux.

Il ramassa sa larme pour sourire, il avait compris que la rédemption était possible ici mais il n'en voulait pas. Continuer à se détruire, voilà l'objectif qu'il venait de se fixer. Oublier à tout prix.

Abandonné, verrouillé & archivé.