21 Décembre 1999 - Appartement de M. Thompson

Riley Thompson n'en pouvait pour ainsi dire plus; de cette vie; de ce qu'il était devenu. Sa vie avait été balayée par un énorme cataclysme, il y a de cela tout juste quatorze ans. Depuis, il avait tenté de survivre comme il le pouvait, sans jamais plus vivre pleinement. En 1985, sa petite amie de l'époque, Sunny Jansen avait été retrouvé sauvagement assassinée. Lors des faits il ne s'était pas trouvé avec elle; sans doute trop occupé par sa carrière d'écrivain, il était alors au Texas, à la maison d'éditions pour régler quelques formalités. Pourtant, en rentrant à leur domicile les flics de l'époque n'en crurent pas un mot et ne se firent pas prier pour l'arrêter manu militari. Ce qui s'ensuivit fut une succession d'erreurs monumentales. Il fut jugé pour ce crime qu'il n'avait pas commis et fut reconnu coupable de meurtre au premier degré sans préméditation. Sans préméditation, c'était toujours mieux qu'avec préméditation. Il écopa non pas de la peine maximale, mais de 25 ans d'emprisonnement avec réclusion. Ce qui en soit était déjà pas mal, pour un meurtre ayant été perpétré par un autre que lui. Ah, que la justice était bien faite tout de même. Il avait tout perdu en l'espace de ce qui ressemblait à un battement de cils.
On l'avait relâché quelques mois plus tôt. L'erreur sur ce dossier ayant enfin été reconnue. Mieux valait tard que jamais. Merci, d'être passé et au revoir, voilà la façon dont on l'avait traité, il se retrouvait donc en 1999, sans avenir, sans métier. Tel un reclus de la société qui avait tout de même perdu 14 ans de sa vie; tout ça à cause d'imbéciles. Maintenant qu'il était sorti de prison, il ne se sentait guère mieux que le jour de la découverte du cadavre de Sunny.
Depuis, il n'avait plus goût à rien, même pas à l'écriture qui était pourtant sa passion première, du moins, à l'époque. Il n'avait plus de famille - ses parents étant décédés quelques années plus tôt - plus d'amis, plus personne sur qui compter. Il ne restait plus que lui; lui et lui seul. Seul au monde avec cette envie de plus en plus prononcée d'en finir.
Bien sûr, à son âge il aurait pu repartir du bon pied, refaire sa vie, retrouver un emploi ou bien se remettre à l'écriture et ainsi vendre ses oeuvres, mais il n'avait plus la volonté nécessaire à tout ça. Il avait trop donné, trop galéré, aujourd'hui il n'en pouvait plus, il déclarait forfait. Malgré son envie d'en finir avec la vie, il ne voulait pas souffrir, chose plutôt contradictoire en un sens. C'est donc avec soin, qu'il avait choisit la façon dont il en finirait. La morphine.
Peut-être que certaines personnes verraient en son acte un crime religieux et social, mais il n'en avait que faire. La paix, voilà seulement ce à quoi il aspirait. Trouver le repos de l'âme et qu'on lui foute la paix.
Après avoir branché les perfusions qui lui assureraient un voyage sans retour vers l'au-delà, il s'installa tranquillement sur son canapé avec un bon livre. La morphine faisant effet, il ne tarda pas à délirer et à voir des choses étranges apparaître. Peu de temps après les ténèbres l'engloutirent.
Vu la dose que les perfusions contenaient, il était certain de ne pas se louper.

21 décembre 1999 -Entre deux mondes

La pièce baignait maintenant dans la pénombre, seul l'éclairage extérieur apportait un peu de luminosité. Une douleur lui vrilla la tête, Riley se redressa doucement; l'esprit encore tout embrumé, il lui fallut quelques instants pour se rendre compte qu'il se trouvait toujours dans son appartement, sur son canapé. Il s'aperçut bien vite que quelque chose clochait. D'abord, il ne comprit pas ce qui lui arrivait. Il fut pris d'une crise de panique, et se retrouva par terre, à genoux. Son corps lui se trouvait toujours sur le canapé.

" Vache... c'est quoi ce délire ? "

Était-il en train de rêver ? Que se passait-il exactement ? Son acte avait-il raté ? Tout un tas de questions sans réponses se bousculèrent dans sa tête. Son corps se trouvait toujours sur le canapé, branché aux perfusions à présent vides. Alors pourquoi lui était-il là ? Il se redressa et s'avança vers ce qui avait été son enveloppe corporelle et tenta de la toucher; sa main passa au travers. Il eut un mouvement de recul, apeuré; puis il ne put s'empêcher de blaguer sur la situation.

" Wooo, elle était puissante cette morphine. "

Il fit le tour de la pièce, il était seul. Que faire ? Ou aller à présent ?

" Heyy, y a quelqu'un ? C'est quoi ce bordel ? "

Personne ne répondit, il ne lui restait plus qu'à attendre. Attendre et voir ce qui allait se passer par la suite.

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