' A tous les véhicules en patrouille, appel prioritaire. Un appel anonyme vient de signaler des cas de violence à une soirée étudiante. La fête a lieu dans la résidence de la confrérie Kappa, sur le campus de l'université. Aux véhicules disponibles, répondez. '

Caleb décrocha la radio. Il rentrait la Dodge après une journée plutôt tranquille. Il avait déposé son partenaire du jour sur le chemin, et se trouvait non loin de l'université à l'heure qu'il était.


« Patrouilleur 334 à Central, je suis juste à côté, j'y serai dans deux minutes. Je suis seul, demande appui. »

Il y eut un petit moment de silence, puis le grésillement reprit sur la ligne radio.

' Central à P-334 ; bien reçu. Envoi d'un véhicule de patrouille et deux agents à votre rencontre. Faites attention à vous. Terminé. '

Enfin ! Après une journée passablement pourrave avec Pepito le Rigolo, il allait pouvoir se lancer dans un boulot sérieux. Normalement, il était préposé aux interceptions à grande vitesse, mais le dernier cas datait d'hier soir, et il y avait peu de situations dans lesquelles son véhicule rutilant était vraiment utile. Alors, s'il allait calmer la situation dans une soirée étudiante qui partait en sucette, il serait au moins réellement utile, pour une fois.
Il alluma ses sirènes et codes, et prit la route de l'université. En l'entendant arriver, probablement prévenu, le gardien avait déjà ouvert la grille. Effectuant un petit dérapage contrôlé pour prendre l'entrée, le policier fit un signe au vigile planté là, qui le regarda passé avec une expression passablement surprise. La vitesse était limitée à 10km/h, sur le campus, et le véhicule de police devait bien avancer à 40km/h sur la petite route. Caleb ralentit en arrivant au chemin que bordaient les maisons des confréries, et s'approcha sans sirènes, mais toujours avec les codes d'urgence allumés, jusque devant la demeure. Sur la devanture, des lettres en cyrillique grec étaient inscrites en peinture très voyante.


* Typiquement américain ... *

Lorsque l'agent sortit de son véhicule et marcha tranquillement vers l'entrée, la porte s'ouvrit brutalement, et un jeune homme se fit jeter dehors, suivi de près par un autre, qui s’apprêtait sûrement à le menacer de quelque chose s'il remettait les pieds ici, et qui portait quelques signes l'affiliant ostensiblement à la confrérie hôtesse. Mais lorsqu'il vit l'homme en uniforme sortir de l'ombre, le garçon s'arrêta brutalement, et sembla un instant s'être transformé en statue. Caleb se contenta de dire qu'il était de la police, et qu'il préférait avoir le calme et le silence en entrant. Le type, qui ne voulait sûrement aucun ennui, se précipita alors à l'intérieur. Le temps que Caleb arrive à la porte, la musique s'était arrêtée.

Lorsqu'il entra, il y avait une odeur d'alcool, de cigarette de de cannabis qui flottait dans l'air, et aussi de la sueur. La plupart vidaient leur verre d'une traite et le reposaient l'air de rien, ou écrasaient leurs cigarettes. Tous se levaient, se figeaient, et le fixaient, comme s'ils attendaient qu'il fasse un geste pour agir. S'éclaircissant la voix parce que sa gorge était prise par le nuage de fumée, l’Écossais finit par parler, tranquillement, mais assez fort pour que tous comprennent.


« Bon, les jeunes, écoutez-moi bien. J'espère qu'il n'y a pas de blessures ou de mort d'homme, parce que dans ce cas-là, rien de terrible n'arrivera. On a signalé une flambée de violence dans cette soirée. Des collègues vont donc venir me rejoindre pour procéder à une prise en charge et disperser la soirée. Nous allons vérifier qui rentre, procéder à des alcotests, à des contrôles d'identité, et tout ce genre de procédures. Si vous n'avez rien à vous reprocher, vous n'avez rien à craindre. Restez calme, asseyez-vous, discutez tranquillement et faites descendre l'adrénaline. Ça ne sera pas long. »

Après ces mots, il jeta un regard circulaire sur la foule d'étudiants. Certains semblaient plus ou moins soulagés. Le policier leur sourit alors et agita les mains pour qu'ils se rasseyent et se remettent à l'aise, et la foule commença progressivement à se détendre, et de plus en plus vite. Caleb aimait bien quand ça se passait tranquillement.

Rapidement, ses collègues arrivèrent et commencèrent à procéder aux vérifications d'identité. Ils se mirent devant la porte, à l'intérieur, et commencèrent à faire avancer les étudiants, par deux, pour les voir sortir et, en cas de doute de visu, les contrôler rapidement. Aucun débordement à signaler, à part quelques types bien éméchés qui se mirent à demander pitié ou à provoquer un peu les agents. Pour tous, un ou deux camarades vinrent le calmer et l'excuser auprès des policiers. Eux n'étaient pas là pour saquer, et ils laissaient couler, tant qu'aucun danger ne paraissait peser.
Après avoir vérifié les alentours de la baraque afin de s'assurer que personne ne traîne ivre mort dans l'herbe humide et ne prenne froid, Caleb rentra à son tour. Après quelques mots pour rassurer ses collègues, il commença à remonter la rangée d'étudiants, les observant rapidement. Après en avoir croisé un, il le pointa du doigt à l'adresse de ses collègues, qui lui firent signe qu'ils jetteraient un œil. Afin de faire avancer les choses plus vite, l’Écossais se dirigea ensuite vers les étudiants qui n'avaient pas encore intégré la file. En fait, rien ne les obligeait à faire la file, on leur avait juste demandé de venir un par un et d'éviter de mettre le bordel en sortant, rien de plus. Comme il avait le temps, il s'assura que tous étaient majeurs, et commença à vérifier les papiers d'identité des jeunes installés par ci, par là. Un, deux, trois cas sans histoire. Ça sentait l'affaire qui allait se régler tranquillement. Exactement le genre de boulot que Caleb aimait.

Il arriva finalement à une blondinette, qui devait avoir à peine dix-huit ans au jugé ; peut-être moins ? Il espérait que non, mais il devait faire son boulot. Il en approcha, la salua rapidement.


« Bonsoir mademoiselle. Je peux voir vos papiers ? »
Tandis qu'elle mettait la main dessus, le policier jeta un œil alentour, et il eut un sourire aigre-doux en pensant à la jeunesse qu'il avait raté, passée derrière des barreaux, à cause d'un meurtre qu'il n'avait pas connu. Qui pouvait bien imaginer, en le voyant aujourd'hui, n'est-ce pas ?


« Ca va, la soirée s'est quand même bien passée ? Rien à déclarer ? »

Ajouta-t-il à l'adresse de la blonde avec un sourire aimable. Ce n'était pas tous les jours qu'on était contrôlé par un flic en soirée, et lui qui était flic avait tendance à l'oublier. Alors, pour chercher à alléger la pression ambiante, il chercha à se montrer plutôt gentil.