Soirée, suspens, surprise !
« caleb, anna & helen »

Elle s'engagea dans sa rue et soupira d'apaisement. Elle avait presque cru ne pas pouvoir rentrer de sitôt. La circulation n'avait rien eu de fluide et la conduite n'en avait été que plus désagréable. Enfin, elle put enclencher le frein à main et s'extirper de l'habitacle. Comme à chaque conduite depuis la fusillade, la jeune femme fit plusieurs fois le tour du véhicule, se dégourdissant les jambes mais surtout ce bras qui travaillait pour deux lors de sa conduite. Elle savait cela mauvais mais qu'importe. Elle n'avait même pas été consulter de médecin depuis un moment … il aurait bien vu ses difficultés et l'aurait interdite de conduite, hors de question ! Sa voiture était bien trop utile pour qu'elle y renonce pour quelques broutilles et un bras endommagé. Tout en réfléchissant aux conséquences que pouvait avoir son irresponsabilité, elle débarrassa le coffre du véhicule et parvint plus qu'acrobatiquement à prendre ses clés, fermer la voiture, ouvrir la porte de chez elle et ramener toutes les courses en bon état. Un exploit. Elle jeta un oeil à la pendule et fut rassurée. Il lui restait encore suffisamment de temps. Et, même si dans son esprit défilait une petite banderole intitulée « aucune prise de tête » Helen ne pouvait pas se résoudre à ne faire que le minimum. Enfin, elle voulait juste passer une soirée tranquille avec Cal' et elle ne pourrait être tranquille qu'en s'assurant que rien ne vienne la perturber. En tant qu'hôtesse de maison, elle était déjà assez pitoyable. Pour une fois, elle voulait faire au mieux. Les courses rangées, la jeune femme se stoppa un instant et chercha l'indice d'une présence. En fronçant les sourcils, elle se dit finalement que sa jeune colocataire avait du sortir. Helen n'avait aucune intention de la déranger dans ses occupations mais si elle avait été là, pourquoi ne pas lui proposer de préparer le repas, c'était toujours convivial et plutôt agréable. La brune déballa diverses aliments et les prépara, il fallait bien manger. Elle les mettrait à chauffer plus tard, il était encore tôt.

Helen gagna sa chambre et se regarda de haut en bas dans le miroir de l'armoire. Peut mieux faire. Elle s'était vite habillée pour aller au supermarché et voulait au moins avoir quelque chose de décontracté mais de bien sur le dos quand Cal arriverait. Prise par une envie soudaine de relaxation, elle se laissa guider jusqu'à la salle de bain, fit couler un bain, partit chercher un bon livre et apprécia finalement le contact de l'eau chaude. La jeune femme n'était pas une grande adepte de bain préférant la rapidité d'une douche qui lui permettait de profiter de plus de temps pour arranger le domicile ou sortir mais, elle reconnaissait tout de même les bienfaits d'un bain. Après une demi-heure tranquille, elle finit de se préparer et redescendit inspecter le séjour et ses environs à la recherche de ce qui n'aurait pas sa place et ne serait pas rangé au bon endroit. Finalement, elle avait suffisamment d'ordre et suffisamment rangé la veille pour que ce soit impeccable. A la cuisine, Helen commença à préparer doucement en jetant des coups d'œil plus que fréquents à travers la fenêtre. Non … elle ne guettait pas du tout … n'était certainement pas stressée et était encore moins impatiente … Vraiment, une vraie gamine ! Prête à avancer calmement jusqu'à la porte d'entrée pour ouvrir, elle patienta et essaya de se concentrer sur le coupage des aliments … peine perdue … son doigt échappa de peu à la coupe. Pas prudente, l'esprit ailleurs, rêveuse, elle finit par entendre le bruit qu'elle attendait et qui signait le début de cette soirée à deux.

Caleb avait attendu cette soirée depuis un moment. Après plus d'une semaine de travaux et de concertations avec lui-même entre deux coups de fil, et après l'échec de sa surprise le soir de la ré-ouverture du Vintage Hotel, il fallait dire qu'il avait eu droit à tous les reports et toute la latitude qu'on puisse accorder à un jeune couple d'amoureux transis pour leur première soirée seul-à-seul. En y pensant, c'était une optique stressante. Caleb avait beau avoir la bonne trentaine, il avait eu une vie qui avait fait de l'amour une chose inaccessible, à laquelle il n'avait jamais vraiment goûté. Il avait parlé des filles avec ses co-détenus, il avait d'ailleurs connu quelques filles quand il était policiers, mais de femme qu'il aimait, il n'y en avait pas eu. Du moins, il n'y avait eu que Len, et Len avait toujours été la seule femme inaccessible dans sa vie. D'abord, la mort, ensuite, la peur, enfin, son exil. Depuis des années, si on évitait de compter leur adolescence pendant laquelle étaient vraiment nés leurs sentiments, les deux tourtereaux n'avaient jamais eu l'occasion de vivre ce que leurs cœurs réclamaient à grands cris.
Alors bien sûr, lorsqu'était venu le Grand Jour, leur Jour J, l'angoisse de la première fois avait commencé à submerger l’Écossais. Non, on ne parlait pas de la première fois, mais simplement de la première fois qu'il se retrouverait seul avec elle, avec ce sentiment d'être complètement désarmé et de n'avoir besoin que d'une personne en ce monde de l'au-delà : elle. Il avait bien cru, à un moment, qu'il ne saurait jamais monter dans sa voiture et démarrer, mais en fait il se retrouvait à évoluer au radar, en mode automatique. Sur la route vers Cloud Street, il jeta un œil au siège passager, aux onze roses rouges, à la boîte de chocolats et au champagne. En faisait-il trop ? Il fut tenté de faire demi-tour et de ne garder qu'un seul présent, pour éviter d'avoir l'air ridicule ou trop engagé ; mais avait-il vraiment le droit de faire demi-tour et de ne pas la jouer au naturel ? En cet instant, il aurait beaucoup donné pour pouvoir appeler Will. Ce jeune Anglais lui avait toujours été de bon conseil pendant les quelques temps qu'ils avaient passé ensemble. Malgré sa jeunesse, il en savait beaucoup plus que lui sur les choses que les gens normaux, eux, considéraient, justement, comme normal. Caleb se sentait plus comme un aveugle devant opérer une tumeur du cerveau avec une clé de douze. Autant dire qu'il était à cran.
Mais finalement, lorsqu'elle finit par apparaître à la porte de chez elle, à un mètre de lui, avec une jolie tenue décontractée et un sourire radieux, il oublia le stress pour devenir un peu plus gauche et maladroit. Avec un sourire un peu bêta, il resta silencieux quelques secondes, puis se mit subitement en branle, tendant le bouquet de roses à l'élue de son cœur.

« Euh ... C'est ... pour toi. J'espère que ce n'est pas ... »

Il aurait pu se flanquer une gifle pour se calmer ; mais ses deux mains étaient déjà prises. Aussi se contenta-t-il de s'arrêter là et d'inspirer un bon coup. Il devait vraiment avoir l'air ridicule, mais, bizarrement, il n'en avait cure, car il se doutait, au fond de lui, que c'était la même chose pour Len ce soir, dans un certain sens. Tout ce qu'il souhaitait, c'était se poser, arrêter de s'inquiéter, et, enfin, pouvoir profiter. Il sentait déjà des années d'une relative solitude s'écouler et disparaître. C'était, pour tout dire, le plus beau soir de sa vie.

« Excuse-moi. Je suis juste ému qu'on puisse enfin se voir. Est-ce que je peux entrer ? »

Elle s'agita tout à coup. Un tour complet sur elle-même, elle analysa l'état de sa pauvre cuisine. Elle devait vraiment avoir la tête ailleurs … Elle souffla, tentant de se détendre au maximum alors qu'elle n'avait jamais autant été stressée comme pressée. La jeune femme se débarrassa du vêtement qui la protégeait des tâches, se lava les mains, relâcha ses cheveux emprisonnés pour éviter qu'ils ne la gêne durant la cuisine et avança jusqu'à l'entrée. Elle ferma un bref instant les yeux. Il était là, derrière la porte, ils allaient être tous les deux. Ce n'était pas qu'ils ne s'étaient pas vu depuis un long moment, quoique pour Helen cela paraissait déjà long, mais ils pourraient enfin vraiment se voir, parler, s'exprimer sans être dérangés par une quelconque catastrophe. Celles-ci avaient pourtant une fâcheuse tendance à apparaître au pire moment … Obstruant totalement ces pensées peu positives, elle inspira un grand coup et ouvrit la porte, affichant un grand sourire dès qu'elle le vit là. Elle était heureuse de le voir et ses yeux parlaient pour elle. Pitoyablement en manque de lui ? Très certainement ! Avant qu'ils n'arrivent tous deux à Skyline, Cal' avait toujours été un point d'ancrage, la personne qui lui donnait le courage d'affronter le quotidien. Les courriers qu'ils s'échangeaient lorsqu'il était loin la réconfortait et la motivait chaque jour. Il avait cette faculté à la mettre de bonne humeur sans même un seul mot, simplement par sa présence. Et bien souvent, lorsqu'elle passait la soirée avec des amis ou un amant, elle se rendait compte qu'elle n'était pas plus heureuse qu'en recevant un courrier, une réponse de celui qui était à l'époque son plus fidèle ami. Len pensa alors qu'il lui serait bien dur de lui résister sur n'importe quel point que ce soit. Elle était totalement perdue, une femme amoureuse … Puis, il y avait eu ce passage vers l'autre monde et la séparation qui les avait changé l'un comme l'autre. La jeune femme passait de long moments à l'observer dans sa vie, sans parvenir à se détacher complètement. Qu'est ce qu'elle espérait en ce temps ? Veiller sur lui ? Le voir faire sa vie avec une personne qu'il chérirait, la laissant dans son univers de mort, triste de le voir avec une autre mais heureuse de le savoir simplement en vie et avec des personnes qu'il aimait ? Sans doute tout cela. Avait suivi leur retrouvailles au Skyline où ils n'avaient su se comprendre et où finalement, ils n'en avaient, ni l'un ni l'autre, tirés quelque chose de bon. D'autres évènements, d'autres funestes souvenirs ! Puis la librairie, l'explication, le changement, le bonheur presque trop beau pour être vrai. Et il était là, sur le pas de sa porte, tenant en main des petites attentions qui la firent sourire encore plus. Le bouquet se rapprocha d'elle et Len se crut presque sur un nuage. Ses yeux quittèrent le visage de celui qu'elle aimait et elle se saisit des fleurs. Il ne finit pas sa phrase. Dans un sourire, elle souffla un fin :

HELEN ▬ Parfait ? Si ça l'est.

Elle ne savait pas comment agir ou se comporter, elle ne voulait pas en faire trop comme ne pas en faire assez, ne pas le décevoir. La jeune femme s'effaça pour le laisser entrer alors qu'il lui demandait s'il le pouvait.

HELEN ▬ Je dirais même que tu as tout intérêt à entrer si tu ne veux pas que je te séquestre.

Elle lui lança un regard explicite et referma la porte. Un nouveau regard vers Cal', Len le détailla et apprécia de l'avoir dans son champ de vision, tellement … lui. Un manque s'était presque fait ressentir. Quand on parlait d'une maladie … l'amour en était sans doute une, des pires. On en guérissait rarement et pire que toutes, on s'y attachait et elle nous devenait indispensable. Certaine de ses sentiments, enfin. Elle affrontait la réalité avec plaisir.

HELEN ▬ Tu m'as manqué, je crois bien.

Murmurait-elle ? Sans doute. Ils avaient parlé d'une soirée tranquille mais elle paraissait si stressée pour le moment que tranquillité serait un bien grand mot. Malgré tout, les choses semblaient se faire toutes seules et Len se laissa aller à penser que tout se passerait à merveille. Aussi, elle ne résista pas bien longtemps. Elle se rapprocha de lui et saisit ses lèvres pour un baiser discret. Voilà qu'elle était heureuse.

HELEN ▬ Tu es très beau.

Quelques mots qu'elle pensait ne jamais extérioriser, Helen s'éloigna finalement, cherchant un vase et un endroit approprié pour placer les fleurs. Elle les conserverait aussi longtemps que possible. C'était futile et pourtant, dès qu'il repartirait, ce serait au moins cela qui resterait et lui rappellerait sans cesse que c'était bien réalité.

Sans un mot, avec un sourire faussement surpris que trahissait l'amusement, Cal se laissa donc happer à l'intérieur, découvrant le petit nid de Len, ses odeurs, et ses couleurs. Mais avant de pouvoir découvrir et poser le reste des présents, à peine ses chaussures débarrassées et rangées dans l'entrée, il fut pris à parti par Helen, qui profita de ce qu'il se tourne vers elle pour lui voler un baiser un peu trop rapide et filer, avec ses roses, probablement à la recherche d'un vase. Aussi, l’Écossais resta planté là un court instant, à la fois ravi et un poil frustré, avant de se remettre en mouvement et de traverser les lieux à la recherche d'un endroit où poser chocolats et champagne. Il choisit finalement la cuisine, et les déposa sur le plan de travail, en retrait, car il devinait qu'il avait servi et qu'il pourrait servir encore ce soir. Helen n'ayant pas encore fini avec ses occupations, il se fit alors une mission de trouver deux verres à remplir. Bien qu'il ne connaisse absolument pas les lieux, la chance voulut qu'il tombe sur les verres dès le premier tiroir. Il sortit deux flutes, puis ouvrit le champagne, faisant sauter le bouchon au retour de la jolie brune. Beau timing qui leur permit d'en profiter directement et sans temps mort. Alors qu'il remplissait les deux verres et servait, Caleb se fit remarquer que, pour une fois, tout allait parfaitement bien. Il se dit qu'après les embuches traversées, cette soirée, qui s'annonçait parfaite, devait être la récompense de leur patience, et leur indemnité pour tous les soucis qu'ils avaient vécu. Leur amour avait après tout survécu à l'éloignement, à la prison, à la mort et au silence. Aujourd'hui qu'ils étaient ensemble, ils n'avaient pas eu l'opportunité de vivre un moment tranquille, tous les deux. Après plus de quinze ans de bataille, enfin, ils semblaient voir le bout du tunnel.
C'est avec cette idée heureuse en tête qu'il trinqua, les yeux fixés sur celle qu'il avait, pendant longtemps, pensé inaccessible.

« Si j'ai dû en baver toute ma vie pour me retrouver ici, aujourd'hui, avec la plus belle femme de Skyline, alors je crois que je ne souhaiterai pour rien au monde changer quoi que ce soit à tout cela. »

Ne souhaitant pas en rajouter davantage, il se contenta de sourire, buvant un peu de son champagne avant de reposer la flute sur le plan de travail. Il se sentait bien, peut-être mieux que jamais. Il se sentait comme un aventurier terminant un périple tortueux, et qui se préparerait à prendre des chemins plus simples dont les pires cahots auraient l'air de parties de plaisir. Il se sentait maintenant prêt à affronter l'éternité.
En pensant à cela, il s'approcha de Len, passa une main à sa taille et l'attira vers lui. Leurs lèvres se joignirent et il l'embrassa longuement, avec légèreté, laissant le temps filer et le stress s'en aller. Sa main libre vint caresser sa nuque. Il aurait pu faire durer ce moment pour l'éternité, mais préféra l'interrompre pour profiter de la soirée sans risquer de brûler les étapes. Len semblait avoir préparé quelque chose pour leur soirée, et il souhaitait y goûter avec elle ; pour une fois, prendre son temps sans se soucier de rien.

« Ça va, tu es détendue, là ? »

Lui demanda-t-il sur un ton taquin tandis qu'il s'écartait d'elle et reprenait sa flute.

Elle observait encore les fleurs, les détaillant plus qu'autre chose et appréciant déjà de les avoir chez elle. C'était sans doute tout ce qu'il y avait de plus simple et pourtant, tant de choses paraissaient se symboliser par celles-ci. Un peu trop irréel ? Sans doute mais qu'importe. Aujourd'hui, elle était contente, plus que ça, elle aurait presque pu être heureuse. Presque ? Une ombre au tableau à laquelle la jeune femme refusait pourtant de penser ce soir venait noircir un peu le bonheur d'être là, simplement, avec Cal. C'était un peu un accord tacite entre eux deux, ils éviteraient sans aucun doute les sujets compromettants. Un froncement de sourcil comme canalisateur de ces pensées-ci à éviter, Helen finit par trouver ce qu'elle cherchait. Elle remplit rapidement le pot d'une eau propre et chercha l'homme des yeux. Du bruit dans la cuisine. La jeune femme sourit. Il semblait se déplacer dans son chez elle comme s'il y avait toujours évolué, un très bon point. Il avait cette aisance qui la rassurait énormément et lui donnait un peu plus de courage. Pas qu'elle ne se sentait pas en confiance avec lui, tout au contraire, elle ne s'était jamais sentie aussi en sécurité qu'en sa présence mais malgré tout, inconsciemment, il y avait toujours la peur de l'inconnu et des erreurs. La soirée avait pourtant en petit intitulé « aucune prise de tête » et Helen voulait s'efforcer de respecter cela mais elle était une femme et une femme désireuse de faire au mieux. Quoi de plus agaçant mais aussi quoi de plus normal venant d'elle. Les fleurs posées sur un meuble dans leur réceptacle, elle le rejoignit dans la cuisine. Caleb avait déjà trouvé des verres, s'appliquant à ouvrir la bouteille d'un champagne qui serait bien sûr très appréciée. Le bouchon sauta. Elle sourit devant le tableau que lui offrait son fabuleux visiteur : un homme parfait. La brune se sentait comme la femme la plus chanceuse qui soit. Chanceuse d'avoir trouvée en Cal l'homme qu'il lui fallait et chanceuse d'être aimée par lui. Surtout cela d'ailleurs. Chanceux aussi, d'être enfin parvenus tous deux à cet étape dans leur relation. Une chance que Len ne voulait surtout pas voir passer.

Acceptant la flûte maintenant remplie de champagne, Helen fixa son regard sur Caleb, un peu comme elle fixerait un mirage sur le point de partir ne pouvant renoncer à le voir. Quelques secondes encore pour réaliser qu'il était bien là, dans sa maison à elle. Ils étaient seuls, profitant d'un calme semble-t-il rare mais néanmoins mérité. Enfin l'avenir paraissait s'éclairer et offrir quelque chose aux deux âmes en peine qui se retrouvaient enfin. Approchant sa flûte de celle de son compagnon, la jeune femme entendit le verre s'entrechoquer doucement. Son regard dans celui de Cal', elle ne s'attendit pas à ce qu'il dit et resta figée. C'était beau, presque trop beau. Si Len n'essayait pas encore de comprendre l'implication de ces mots, peu habituée à entendre de telles choses hormis dans les films où la fin restait des plus heureuses, elle lui aurait sans doute sauté dessus, l'embrassant à pleine bouche même si en fin de compte cela lui ressemblait peu. Au lieu de cela, elle se sentait gênée d'être le centre de l'attention, de son attention et d'avoir entendu des mots plus beaux qu'elle n'en avait jamais dit. Pâle reflet d'un amour qu'elle n'était toujours pas certaine de mériter. Pourquoi elle, qui n'avait que peu de choses à offrir ? ... Toujours un peu cette question qui rejaillissait lorsque Caleb lui paraissait trop parfait et que, malgré ce qu'ils avaient pu dire et mettre à jour à la librairie, il y a quelques temps, la jeune femme doutait d'elle. Une gifle mentale pour penser encore en ces termes, Helen amena le champagne à ses lèvres, suivant l'exemple de l'homme en face d'elle. Finalement, de le voir si ... serein avec elle, la brune se sentit rassurée. Elle apprécia l'instant et aurait pu se sentir pousser des ailes. Des ailes qui apparurent sans doute lorsqu'elle se sentit attirée vers lui. Le verre laissé sur la table, ses lèvres se posèrent sur les siennes et elle se détendit instantanément. Elle pensait soudain ne jamais supporter de le voir la quitter ou même de s'éloigner d'elle. Glissant sa main valide sur son torse, c'est presque dans soupir de mécontentement qu'elle le sentit lâcher ses lèvres. Si la jeune femme voulait que cela se prolonge, elle admettait tout de même que pour passer une soirée convenable, il devrait s'éloigner de quelques centimètres ... ou mètres. Souriante et loin de repenser à toutes ses petites préoccupations passées, Len rigola lorsqu'il lui demanda si elle était détendue.

HELEN ▬ Ça se voit tant que cela ? .... Je suis désolée, c'est que je voudrais tellement que tout soit aussi parfait que toi, ce soir.

Sur un ton sincère et néanmoins enjoué, elle ne s'attarda pas sur sa phrase et invita Cal à rejoindre le salon.

HELEN ▬ Je pense que nous serons mieux là-bas que debout dans ma cuisine.

Un grand sourire sur le visage, elle engagea aussitôt la marche vers le canapé de la maison entraînant la bouteille de champagne et Caleb dans son sillage.

HELEN ▬ La maison n'est pas vraiment un palace mais j'ose espérer que ton humble postérieur trouvera une bonne place dans les environs et qu'il y restera le plus longtemps possible.

Un souhait, un désir ? La soirée ne faisait que commencer, aucune raison de penser à sa fin mais déjà, une part d'elle refusait ne serait-ce que considérer que celle-ci puisse avoir une finitude. Déposant la bouteille sur la table basse, Len se rendit compte que sa flûte n'avait pas fait le voyage avec eux. Un regard à son compagnon, elle repartit vers la cuisine en lançant simplement un :

HELEN ▬ J'arrive.

Dans un même temps, elle pourrait sans doute regarder l'heure et prévoir à quel moment commencer à faire chauffer le repas.

Helen avait vraiment l'air de se détendre, mais elle continuait à s'excuser. Comme si ça n'était pas assez bien ? Cal voyait déjà ce moment comme un moment parfait, et ne voyait pas ce qu'elle aurait bien pu faire pour le rendre plus parfait que cela. Tout ce qui comptait à ses yeux, en cet instant, était là : une Len heureuse, amoureuse, et tranquille avec lui pour la soirée. En cet instant, rien au monde ne pouvait sortir l’Écossais de la béatitude dans laquelle il avait plongé. D'ailleurs, le monde se limitait, en cet instant, à Len et en ce lieu si calme et mignon. Sur le chemin et en arrivant, l'homme s'était pris à se dire que le quartier était bien plus agréable que Cloud Street. Il avait chassé l'idée venant juste après avec promptitude, mais après tout, se disait-il en cet instant, que pouvait-il bien y avoir d'horrible à penser à ça ? Ils avaient déjà attendu si longtemps ...
Il aurait souhaité lui dire de laisser tomber la perfection pour simplement être ici, mais elle l'entraînait déjà vers le salon. Oui, ce serait plus confortable, et oui, il allait venir et se trouver une place confortable sans le moindre soucis. Il n'allait quand même pas résister quand la plus belle femme sur Terre l'invitait à s'installer et à prendre ses aises, si ? Il remarqua tout de même qu'elle oubliait quelque chose en arrivant au salon.

« Euh ... »

Il tenta d'expliquer qu'elle oubliait son verre, mais déjà l'invitait-elle à se choisir un endroit où s'installer. Cal sourit et observa le salon, tandis que Len se rendait toute seule compte de son oubli et filait vers la cuisine pour récupérer son verre. Ce n'était peut-être pas plus mal finalement, car elle n'aurait pas l'embarras de se faire remarquer son oubli par son invité. L'hôtesse du soir semblait particulièrement tenir à ce que tout se passe sans accroc. Caleb aurait aimé lui expliquer que ce genre d'attitude et d'attentes ne menaient jamais à une vie saine et équilibrée à terme, mais, en ce soir, il ne tenait pas à briser la magie. Aussi s'installa-t-il simplement sur un petit canapé très confortable. Il enleva ses chaussures. Comme beaucoup de garçons en enlevant leurs chaussures en présence d'une femme, Cal eut une petite angoisse, mais fut rassuré de ne sentir aucune odeur désagréable. Malgré le stress du moment à venir, il sentait toujours le propre et, c'est vrai, n'avait pas beaucoup transpiré.
Une fois cela fini, il déboutonna le col de sa chemise d'un cran de plus et se laissa aller en arrière, s'engouffrant dans le coin d'un bras du canapé avec un soupir de contentement. Il récupéra sa flute, déposée un court instant plus tôt, et but une gorgée de champagne en se demandant ce que faisait Len. Lorsqu'il était en vie, Will avait une fois essayé d'expliquer à Cal que les femmes, lors de rendez-vous, disparaissaient souvent pour régler le moindre petit détail. L’Écossais n'avait jamais compris le principe et sous-estimait visiblement les durées en question. Mais si c'était le prix de la tranquillité d'esprit de cette demoiselle ... Caleb était encore trop ravi du baiser échangé et du moment de sensuelle complicité qu'ils avaient vécu pour s'inquiéter de quoi que ce soit. Il profitait simplement du calme et du souvenir encore bien vivace. Il se sentait comme un gosse.
Lorsque Len revint, finalement, il lui tendit la main et l'entraîna tendrement à lui, l'invitant à s'asseoir tout près de lui. Il la fixait droit dans les yeux, comme sous un charme qui ne pouvait être guéri. Avec un sourire tendre et sans équivoque quant au bonheur qu'il vivait, Cal se pencha vers elle et l'embrassa dans le coup très brièvement avant de murmurer :

« Tout est parfait, mon ange. Dis-moi plutôt ce que tu as prévu ? »

Calme, c'était ainsi qu'elle voulait rester. Le stress qu'elle ressentait précédemment semblait s'évaporer rapidement, laissant place à un sentiment de bien-être. Certaines choses restaient vraiment au delà de toute compréhension. Le simple fait de voir Cal la décontractait comme s'il était le soutien à toute épreuve. C'était sans doute cela. En sa présence, les choses prenaient un sens nouveau et elle n'avait plus ce sentiment de devoir chercher quelque chose, d'attendre quelqu'un. Il était sans doute tout ce dont elle avait besoin. La flûte en main, l'heure regardée, le plat simple dans le four, Len regagna le salon bien rapidement, s'assurant une nouvelle fois qu'il était bien là. Peur du mirage, elle fut instantanément soulagée et en oublia sa peur précédente. Elle restait avec ce sentiment de contentement, réalisant qu'elle était rarement plus heureuse que ce soir et qu'il serait bon que Cal reste la constante à sa vie. Il était un besoin, dépendante de ses sentiments et dépendante de lui à bien y regarder. Il était une nécessité, la personne dont elle ne souhaitait pas se passer et ne surtout pas laisser filer. Amoureuse , revenue comme à l'adolescence, elle se rendait compte qu'il avait sans doute été son premier amour et qu'il était toujours là. Ils s'étaient pour ainsi dire toujours connus et en cela, elle ne changerait rien du scénario. L'histoire pouvait se répéter autant de fois qu'il le fallait pour peu qu'ils en vienne à ce même point, à chaque fois, à ce moment de tranquillité tous les deux.

Saisissant la main que Caleb lui tendait, la jeune femme se cala contre lui et frissonna à son passage. Ce qu'elle avait prévu ? Rien de trop complexe.

HELEN ▬ J'espère que ton estomac ne s'attend pas à de la haute gastronomie, j'ai renoncé à me faire cuisinière avant même que je ne sorte de l'école.

Cuisinière, elle n'en avait jamais eu l'ambition et cela ne l'avait jamais véritablement intéressée. Elle savait en général suivre une recette, bien la reproduire et celui lui avait toujours suffit.

HELEN ▬ Du saumon à l'orange et un tiramisu tout simple pour le dessert.

A ses mots, elle se rendit compte que les années de séparation l'avait sans doute rendu moins sûre d'elle. Sûre d'elle dans le sens où, elle le comprenait mais ne savait pas si elle le connaissait encore vraiment. Regard vrillé dans le sien, témoin de tout la tendresse qu'elle lui portait, Len décida d'éclaircir ce point de suite.

HELEN ▬ Il va falloir que tu me fasses une longue liste de ce que tu aimes et n'aimes pas. Je me rends compte qu'il y a certaines choses sur toi que je ne sais plus aussi bien qu'avant et je n'ai pas envie de t'empoisonner au prochain repas.

A la fois légère et gênée dans ses mots,elle se mordilla la lèvre préférant se concentrer sur cela plutôt que sur ce qu'elle ne connaissait plus de lui.

HELEN ▬ Je suis tellement contente d'être venue dans cette librairie.

Coup du hasard, chance inespérée, qu'ils se soient revus là-bas avait changé les choses en bien, en mieux. C'était tout ce qu'elle avait voulu et Len souhaitait juste l'exprimer dans l'instant.

HELEN ▬ Et alors “Skyline, quand la mort ne fait plus recette”, il se vend bien ?

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