« Merci à vous, officier Landsher, et à la police de Skyline pour vous avoir permis de venir. J'espère que cette journée de prévention va permettre d'éviter bien des désagréments qui auraient pu être évités à nos élèves, dans l'avenir. »

Il y eut une salve d'applaudissements de la part des jeunes du groupe de Caleb. Pendant toute une journée, passée au lycée, il avait fait suivre à ces futurs citoyens de Skyline, morts avant leur majorité sur Terre, une série d'exposés et de démonstrations destinées à leur faire prendre conscience des dangers de l'alcool, de la drogue, mais aussi de la routine, ou du fait de négliger quelques gestes élémentaires de la vie quotidienne. Le tout était très complet, et il s'était efforcé d'être aussi intéressant que possible, n'hésitant pas à mettre de côté les feuillets reçus au commissariat pour se lancer dans ses propres formules, qui semblaient avoir eu plus d'impact. Bien sûr, il ne se berçait pas d'illusions : beaucoup fumeraient de l'herbe au moins une fois dans leur vie, et certains iraient plus loin. Ce qu'il espérait, c'était que ces jeunes-là ne prennent pas des voies dangereuses avec insouciance. Essayer est une chose, devenir accro, ou négliger les effets d'une substance, peut être fatal. Et, même si, à Skyline, le concept de mort était plutôt vague, l'idée de mourir restait désagréable, car elle pouvait bien souvent rimer avec souffrance.
L'enseignante qui l'avait accompagné avait l'air satisfaite du résultat, et Caleb ne pouvait que réaliser par lui-même que la quasi-totalité des ados qui applaudissaient le faisaient sans se forcer. C'était la plus grande des récompenses qu'il aurait pu avoir.

D'ailleurs, certains s'étaient montrés extrêmement motivés. Durant la journée, il y avait eu trois jeunes du groupe, en particulier, qui souhaitaient constamment participer. Un d'entre eux avait surtout apprécié les bases d'autodéfense qui avaient vite été présentées, car, à ce qu'il avait dit, il était tombé amoureux de l'autodéfense il y a peu. Un autre garçon voulait être policier, et avait été très attentif. Et puis, il y avait eu une jeune fille de seize ans, qui faisait un peu plus que son âge. Celle-là n'avait pas réussi à donner de raison à son engouement et était restée vague. L’Écossais s'était alors dit qu'elle devait aimer participer en toute circonstance. Enjouée, hyperactive, qui savait ? Ce n'étaient pas ses oignons. Il n'avait qu'une hâte : rentrer au commissariat. Car, mine de rien, enseigner pendant huit heures à une centaine de gosses, seul, c'était une épreuve de force quand on n'était pas habitué.
Cela dit, le policier resta encore un moment pour recevoir les questions de quelques lycéens, lesquels souhaitaient avoir des anecdotes, ou des précisions ; mais plus souvent des anecdotes sur la vie de policier. Après quelques anecdotes, Caleb leur expliqua qu'il y avait une semaine de l'emploi sous peu, et leur donna rendez-vous pour y recevoir toutes les informations qu'ils voulaient sur le travail de policier. Les jeunes haussèrent les épaules et s'en allèrent.


* Enfin ! Je commençais à me demander s'ils allaient me lâcher avant demain. *

Satisfait d'être enfin tranquille pour remballer, l'homme se mit à ranger ses affaires, dépliants et autres brochures. Celles sur les instruments de contraception avaient eu bien plus de succès que celles sur les drogues. Ce n'était pas vraiment bien grave, et ça n'avait rien d'inquiétant. C'était plutôt amusant, même. Et puis, on ne guérissait pas du V.I.H., et avorter était un choix délicat. On pouvait se sevrer d'une substance à condition de le vouloir.
Il allait finir de ranger quand Caleb vit la jeune fille enthousiaste de tout à l'heure qui venait vers lui avec un sourire jusqu'aux oreilles. Il retint difficilement un soupir, et regarda autour de lui. Tout le monde était parti, à part eux deux. Elle devrait être en classe, en train de prendre les dernières infos de la journée tout en faisant son sac en hâte. A la place, elle restait là. Le policier comprit qu'il allait devoir la raccompagner jusqu'à sa classe, voire jusqu'à la grille s'ils trainaient. En hâte, il prit les dernières affaires à ranger et ferma les deux sacs, en enfilant un sur le dos et en gardant un autre à la main. Puis, il prit la direction de la sortie. Croisant le chemin de la jeune fille, il la mit dans sa direction et l'entraîna avec lui vers la sortie tandis qu'il parlait avec une voix très amicale.


« Et bien ! Encore là ? Tu devrais être en classe ou en train de prendre le bus, à l'heure qu'il est. Tu avais une question à me poser ? Amanda, c'est ça ? »

Amanda était bouche-bée par l'incroyable présentation que le Lieutenant Landsher venait de leur faire. Toute la journée elle avait bu ses paroles et participer religieusement à chaque moment de son exposé. Il parlait de son métier avec passion, de la drogue et de la cigarette avec dégout et de la contraception avec sérieux. Chaque chose avait son importance et Amanda était certaine que tout ce qu'il avait dit lui allait lui être utile. Elle était en admiration avec le courage et la grandeur de Landsher, elle aurait bien aimer en savoir plus sur la vie du policier, parce que malgré tout, en huit heures d'exposé, elle n'avait toujours pas eu tout les détails qu'elle souhaitait. Elle se promit d'aller le voir après la classe pour lui parler, mais pour l'instant les applaudissements étaient loin d'être terminer. Tout le monde avait apprécier sa présentation et c'était facile de l'applaudir à ce point. Le policier souriait en entendant toute cette gratitude de la pars des élèves. Elle était tellement heureuse d'avoir passer la journée en sa compagnie et elle n'était pas la seule à le penser, plusieurs autres élèves voulaient avoir d'autre détails.

L'adolescente vit pleins d'élèves se ruer vers le policier et comprit donc que ce n'était pas le moment idéal pour aller lui parler de son travail et de sa vie en tant que policier. Elle prit donc son temps pour préparer son sac d'école, sortir ses trucs pour faire ses devoirs, lire la feuille de question en liens avec l'exposé et peut-être même commencer à répondre aux questions. Le devoir allait être tellement facile pour Amanda puisqu'elle se souvenait de chaque petits détails. Après un moment, elle aperçu les élèves qui était parti voir Landsher se diriger vers les autobus. C'était enfin le moment d'aller le voir.
Elle mit son sac sur ses épaules et alla le voir, le sourire au lèvre. Amanda restait là, dans le cadrage de la porte, elle attendait qu'il ai fini de ranger ses choses avant de lui proposer de rester discuter avec elle. Le lieutenant de police se rendit compte de sa présence et se dépêcha de prendre la sortie en passant à côté d'Amanda. Il lui prit les épaules pour l'entraîner à la sortie en l'interrogeant au sujet de sa visite. Elle était contente qu'il se souvienne de son nom et qu'il ne sois pas blaser par sa présence.

Au moment où elle allait lui offrir de prendre un café ou de simplement discuter, quelque chose lui empêcha d'ouvrir la bouche. Son estomac se noua et elle se sentait tout à coup mal à l'aise. L'adolescente avait l'impression de le déranger, d'être trop insistante et elle voulait à présent reculer.

-Je... j'ai oublier de... Je voulais prendre un dépliant...

Totalement faux. Elle avait été prise de panique et tout ce qu'elle eue comme idée était de lui demander un dépliant. Amanda se prit la tête entre ses mains en espérant retrouver son côté extraverti qui était comme toujours, bien enfouit.

Le policier avait tout de suite vu l'hésitation, la réflexion, la réponse trop précipitée pour être sincère et réfléchie ; l'homme avait vu une gosse intimidée. Ça pouvait paraître bizarre, mais, à part sur les femmes prises en faute, le prestige de l'uniforme n'avait jamais marché sur personne jusqu'à présent. C'était un peu neuf pour Caleb. L’Écossais sourit à la jeune fille et chercha à savoir ce qu'elle voulait, exactement. Le plus simple était peut-être de lui demander. Mais il se disait, en même temps, qu'il y avait une manière d'interroger et une manière d'obtenir un aveu amical. Et puis, elle devait avoir seize ans, et était déjà visiblement émue comme ça.
Tandis qu'il réfléchissait à la manière dont il allait dire à la fille qu'il savait que c'était une bêtise, il s'arrêta, posa un des sacs à terre, et l'ouvrit, avant de fouiller dedans. Sachant pertinemment qu'elle n'en voulait pas un, mais pour ne pas la mettre trop mal à l'aise, il fit mine de fouiller, et finit par attraper un dépliant sur les risques de la dépendance affective ; oui, parfois, le hasard est un connard.
Il tendit le dépliant à la jeune fille sans un mot, et puis, une fois qu'elle l'eut pris, il referma le sac. Alors, au moment de le reprendre et de reprendre la marche, suivi de près par Amanda, il finit par se décider sur la marche à suivre. Sur un ton amusé et complice, il lança :


« Tu sais, Amanda, ce n'est pas très correct de mentir à un flic. »

Il n'eut pas besoin de tourner son regard vers elle pour savoir qu'elle venait probablement de virer pivoine, et qu'à ce moment-là elle devait se sentir au pied du mur, prise pour le pire des méfaits qu'elle aurait pu faire à l'homme pour lequel elle avait patiemment attendu d'être seule pour l'aborder ; risquant de rater la sortie des cours et le bus par la même occasion. Ne souhaitant pas la torturer, le policier alla d'un rire léger, avant de continuer.


« Détends-toi, je ne t'en veux pas. En revanche, j'aime bien avoir les vraies raisons des choses. Disons que c'est une déformation professionnelle, et que tu es l'interrogée ? »

Ah ? Il venait de se lancer de lui-même sur une piste qu'il n'avait pas vraiment réfléchi. Tourner ça comme une mise en scène, comme pour le reste de la journée ? Faire jouer des rôles aux deux personnages et faire de tout ça un jeu ? Ça pouvait réussir à calmer Amanda, peut-être. Si ce n'était pas le cas, en tout cas, l’Écossais craignait qu'il puisse devoir gérer une sorte de montée d'angoisse chez la fille sous peu. Elle était plutôt jolie et très gentille, et il l'aimait bien, mais, honnêtement, il n'avait qu'une envie, c'était rentrer, et, s'il lui prêtait une oreille attentive et un peu de son temps, il était plutôt pour se passer des extras et filer au poste avant de rentrer chez lui.

Amanda savait très bien que le policier n'était pas dupe et qu'il allait se rendre compte qu'elle avait raconté un petit mensonge. Lorsque celui-ci ouvrit son sac pour lui donner un dépliant, elle fut presque soulager, il n'avait rien remarqué ou presque. La jeune fille baissa le regard sur ce que le lieutenant Landsher lui avait donné, un dépliant sur la dépendance affective. Pendant un instant, elle fût insulter. Paraissait-elle vraiment comme une dépendante affective? Parce que ce n'était pas le cas, elle était bien capable de vivre seul et sans amour. Évidemment, ça serait difficile, mais ça serait difficile pour n'importe quel être humain normalement constitué. Amanda continuait son débat intérieur en se rassurant qu'elle n'avait pas de dépendance affective, quand le policier se remit à marcher. Elle lui emboîta le pas en silence tout en rangeant le dépliant dans son sac.

Soudain, le policier se retourna et brisa le silence. Ses paroles étouffèrent Amanda, comment avait-il pus savoir? Décidément, l'hésitation d'Amanda avait dû sonner une petite cloche à Landsher. Malgré tout, elle se rassura encore une fois en ce disant que le dépliant que lui avait remit le lieutenant était tout simplement une taquinerie. Cela ne l'empêcha tout de même pas de virer rouge tomate.
Le policier n'avait pas l'aire du tout d'être en colère, même qu'il souriait. Il confirma ce que pensa Amanda et lui confia qu'il aimait la sincérité et qu'il appliquait son mode de travail dans sa propre vie. L'adolescente sourit quand le lieutenant lui dit qu'elle était l'interrogée, comme si il planifiait de jouer à un jeu, ce qui réjouie la brunette. Elle avait peut-être seize ans, mais elle ne se laçait toujours pas des jeux de rôle. Amanda était le genre de fille qui aimait être discrète et seule, mais depuis sa mort, les gens se bousculaient autour d'elle et ça lui donnait une certaine confiance. Restait qu'elle n'était pas toujours à l'aise, mais au moins elle était capable de parler au gens.

-J'aime bien cette idée... Monsieur l'agent.

Elle avait mis un accent sur le ''Monsieur l'agent'' et rigola en pensant à la situation. Elle n'aurait jamais pensé se retrouver avec un policier à faire un jeu de rôle après l'école. La brunette ne prêtait même pas attention à l'heure, elle retournerait à la maison quand elle en aurait envie et ce n'était pas le cas pour l'instant. Et puis, ce n'est pas comme si devait prendre l'autobus, elle marcherait comme d'habitude. Bref, pour l'instant elle voulait seulement apprécier la compagnie d'une homme brave et brillant.

Le policier sourit en constatant que sa tentative de rendre l'atmosphère plus légère avait réussi. Ce n'est pas qu'il n'avait aucune idée de comment s'y prendre avec une petite demoiselle de seize ans, mais il avait passé la majeure partie de sa vie derrière des barreaux, et les rapports sociaux n'étaient pas le domaine dans lequel il était le meilleur. Certes, Will, son partenaire quand il était en vie, lui avait appris une foule de choses. Malheureusement, les filles de seize ans étaient un peu trop jeunes pour qu'ils s'attardent sur la manière de les aborder, vu qu'ils abordaient toujours les filles avec une idée précise, au pub. C'était quand même bon, la vie, parfois ! A moins que ça ne soit que la nostalgie qui parlait ?
En tous les cas, le voilà face à une petite brunette de seize ans qui l'observait avec ses grands yeux nichés au milieu d'un visage encore rouge de sa dernière montée aux oreilles. Elle avait l'air ravie de ce moment avec lui, et l’Écossais ignorait s'il devait s'en ravir ou s'en inquiéter. Après tout, devait-il vraiment voir le Mal partout ~ enfin, le Mal, c'est surtout une question de point de vue ~ ou pouvait-il baisser la garde et lui laisser une petite place dans sa vie ? Il ne s'agirait pas de blesser une gamine qui pouvait un jour, peut-être, devenir flic à son tour, et risquer de la voir emprunter une autre voie qui ne lui plait pas, parce qu'un jour, un con de poulet aura refusé de lui accorder un peu de son temps pour ses jeux de fillette.
Alors il sourit en retour, baissa un peu sa garde, et décida de continuer sur sa lancée. Il n'y avait pas plus de risques que ça, après tout : si elle devenait collante, il lui suffisait de la pousser gentiment, de lui dire non, et de filer, n'est-ce pas ? Mais le policier se connaissait, et il savait qu'il serait foutu de voler au secours de la pauvrette si elle se mettait seulement à faire perler une petite larme au coin de l’œil. C'était une belle chose, la dévotion et l'instinct protecteur ; ça pouvait aussi être une plaie, et ce sur bien des points.


« Vous savez, mademoiselle, que c'est un crime de faire obstruction à une enquête ? »

En prononçant cette petite phrase-type de persuasion, il s'efforça de prendre le ton qu'il aurait usé face à n'importe quel interrogé sur une affaire de faible importance. Dans la vie, il y avait beaucoup de cas de peu d'importance, dont on hésitait presque à chercher le responsable, et un petit peu de grosses affaires. Parfois, on n'avait même pas une seule grosse affaire dans toute une carrière. Ce dont on ne parlait pas, c'était toutes ces petites affaires à la mords-moi le noeud, qui n'avaient pas assez de répercussions ou de valeur émotionnelle pour être de grosses affaires, mais faisait quand même peser sur les épaules des flics une pression parfois exaspérante. En deux ans de service, Caleb avait passé des centaines d'heures à travailler sur des disputes de clochers sans intérêts jusqu'à tard le soir.
C'était triste, mais c'était son lot ; et il aimait son boulot, ne serait-ce que pour les rares fois où on reconnaissait la valeur de son travail, et où on lui souriait. Pour le sourire de quelqu'un comme Amanda, il pouvait remuer ciel et terre et cumuler les heures supplémentaires sans compter.


« Allons, ne gâchez pas votre paix et votre jeunesse pour un secret de si peu d'importance. Dites-moi ce qui a motivé vos actes, et nous trouverons une solution qui arrangera tout le monde. »

Tout en lançant cette phrase, il s'arrêtait soudain, se penchant vers Amanda, les yeux braqués dans les siens, intensément. Ils se retrouvèrent très proches, et elle aurait pu murmurer sa réponse à cause d'un réflexe incontrôlé dû à la tension qu'il aurait tout entendu.
Sa démonstration faite, néanmoins, après que le temps se soit suspendu dans la pièce pendant quelques secondes, son visage se fendit d'un large sourire et il lui fit un clin d’œil tout en se redressant, avant de reprendre la marche.